Raphaël Wicky : “Mon but contre Marseille en Coupe d’Europe a réellement lancé ma carrière”

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Raphaël Wicky, c’est 75 matchs en équipe suisse et plus de 10 ans de carrière à haut niveau. Proxifoot a eu la chance de le rencontrer.

On ne présente plus Raphaël Wicky dans le monde du football suisse. Tout jeune, il se lance dans ce sport au sein de la petite équipe de son village, Steg. Très talentueux, le gamin se fait repérer à l’âge de 13 ans par le FC Sion, club phare de la région. Il y travaille ses gammes et s’y forge un mental. Tout juste âgé de 16 ans, il intègre la première équipe du club valaisan. Retour sur une carrière internationale qui l’aura mené de Brême à Los Angeles en passant par Hambourg.

Proxifoot : Tu as commencé ta carrière professionnelle à Sion à l’âge de 16 ans, comment cela s’est-il passé ?
Raphaël Wicky: Je me rappelle que tout est parti très vite. A 13 ans, Sion est venu me chercher dans mon village à Steg. Je suis donc arrivé en C-inter dans ce club et à 15 ans j’ai eu la chance de pouvoir intégrer la première équipe pour la préparation. L’équipe était à l’époque assez impressionnante, avec une bonne partie de l’équipe suisse : Fournier, Hottiger, Quentin, Geiger, Dominique Herr. Il y avait aussi Assis, le frère de Ronaldinho, et moi comme gamin de 15 ans…

Et donc toi à cet âge là, comment te sens-tu au milieu de tous ces joueurs chevronnés?
C’est sûr au début, tu les connais de la télévision et tout à coup tu te retrouves devant eux et puis tu es un peu nerveux. Mais je ne me suis pas trop posé de questions, par contre c’est vrai que je me souviens de mon premier entraînement où tout allait sans doute trop vite pour moi. Par la suite, je suis retourné avec les espoirs. J’ai malgré tout dû laisser une bonne impression car quelques mois plus tard, Bertine Barberis (coach de la première équipe) m’a rappelé. C’est ensuite à 16 ans que j’ai pu faire mes premiers matchs.

Donc ensuite avec cette équipe tu gagnes 3 coupes et un championnat de Suisse à 17, 18 et 19 ans.  N’étais-tu pas trop vite comblé ?
Je n’ai pas trop réfléchi sur ces titres, tout est allé très vite pour moi, j’ai commencé à jouer puis à devenir titulaire, et puis il y a ce fameux but que je marque contre l’Olympique de Marseille en coupe d’Europe qui lance réellement ma carrière. Après cela, j’ai reçu ma première convocation avec l’équipe suisse. Mais en tant que valaisan, il est clair que de remporter ces coupes c’était quelque chose de spécial. Je dois aussi souligner qu’au-delà de mes qualités de joueur, j’ai aussi bénéficié de la chance de pouvoir intégrer un groupe qui alignait les victoires. Sans parler du coach qui m’a permis de jouer si jeune.

A 20 ans, tu pars au Werder de Brême. Comment t’es venue cette envie de départ ?
Disons qu’après avoir remporté tous ces trophées, je sentais l’envie d’aller voir le niveau du dessus. Et à l’époque, le FC Sion c’était ce qu’il se faisait de mieux en Suisse, avec Grasshopper notamment. Il n’y avait pas encore un club largement au dessus des autres, comme cela peut être le cas aujourd’hui avec le FC Bâle. Donc le prochain pas c’était forcément l’étranger.


Werder Brême, son premier club en Allemagne

Comment s’est déroulée l’adaptation au football allemand ?
J’ai eu la chance de tomber dans un club familial dans sa manière de fonctionner, le Werder. Je trouve que le choix du premier club qu’on intègre en quittant la Suisse est très important : tu peux tomber sur des clubs très peu structurés, où il est difficile d’émerger en tant que jeune nouveau. Mais ça reste de toute façon un grand pas, il y a une grande différence avec notre championnat. J’ai toujours dit qu’on ne peut quasiment pas comparer avec la Suisse, c’est un autre monde. Que ce soit au niveau du budget, de la qualité, des effectifs, de la pression. Le niveau est supérieur, le rythme plus élevé. Après, il faut relativiser la chose cela reste du football, c’est le même jeu partout mais tes coéquipiers sont meilleurs. Mentalement non plus ce n’est pas facile, tu quittes ta famille et t’es le petit suisse qui débarque à Brême. Pour revenir à cette époque, je ne me suis pas non plus posé trop de questions. Je voyais que le niveau de l’équipe était élevé, mais j’essayais de rester moi-même et de prendre du plaisir.

Quand tu arrives au Werder, ton coach c’est Felix Magath qui ne restera finalement qu’une seule année au club. C’est ensuite Thomas Schaaf qui reprend les rênes de l’équipe, et il est actuellement encore en poste depuis 1999 ! Quelles sont les différences entre ces deux coachs ? Comment expliques-tu la longévité de Thomas Schaaf ?
Premièrement, la personnalité, la gestion et le fonctionnement du groupe entre ces deux entraîneurs sont complètement différents. Felix Magath est un coach très dur sur le plan physique et mental avec ses joueurs. Il est plus distant avec son groupe et ne laisse transparaître que peu d’émotions. Ce qui peut plus ou moins expliquer son manque de rendement au Werder, qui comme je l’ai déjà dit était un club très familial. Thomas Schaaf, lui est un homme qui connaît bien la maison, il est au club depuis 1972, ex-joueur et coach des juniors : sa nomination a logiquement beaucoup plu à l’époque. Contrairement à Magath, il était plus humain et disponible pour son groupe ; on savait tous que la porte était ouverte si on voulait lui parler.

Après le Werder de Brême, tu décides de partir à l’Atlético de Madrid, où tu resteras une année, une expérience qui t’a d’ailleurs beaucoup plu. Puis, tu fais le choix de revenir en Bundesliga, au sein du SV Hambourg. Sachant que ce club est le club rival du Werder, est-ce qu’on t’en a voulu ?
Ce qu’il faut savoir c’est que, avant de partir à l’Atlético, j’avais déjà la possibilité de partir à Hambourg, chose que je n’ai pas faite, par respect aussi pour les supporters. Cependant, après une année passée en Espagne, le club cherchait toujours à m’engager et j’y ai donc signé. Les supporters les plus fervents du Werder m’en ont voulu car j’avais passé trois ans et demi supers, je crois que les gens m’aimaient bien là-bas. D’ailleurs, pour mon retour sur la pelouse de Brême avec le maillot de Hambourg, le public local ne m’a pas accueilli de manière extraordinaire. Malheureusement, c’est le business du football de nos jours… Mais le Werder est resté depuis dans mon cœur, j’essaye de suivre leurs résultats quand je peux.

Que t’inspirent ces images ?

C’est un stade magnifique, j’y ai joué presque 6 ans et disputé près de 100 matchs. 55’000 personnes, c’est un des stades les plus beaux d’Allemagne à mon avis. C’est notamment pour ce genre de choses que je suis parti à l’étranger, c’est un monde à part.

Et la pression, tu la vis comment ?
En fait, en ayant été professionnel à 16 ans déjà, j’ai appris à vivre avec. En arrivant à Hambourg, ça faisait quelques années que c’était devenu mon métier et donc que la pression était là chaque week-end. Et puis qu’il y ait 30’000 personnes comme à Brême ou 55’000 ça ne change pas grand-chose au final.


Photo officielle avec le Hamburg SV

Justement, je voulais savoir comment tu préparais tes matchs, avais-tu des rituels, des habitudes… ?
Non, je n’avais pas d’habitudes particulières, je n’étais pas du genre à mettre la chaussette gauche avant celle de droite. De toute manière, on s’entraînait le jour avant le match, puis on partait toute l’équipe, que ce soit à domicile ou à l’extérieur, à l’hôtel. Ensuite, on avait aussi les séances vidéo sur nous et sur l’adversaire, je pense que c’est un ensemble qui t’aide à préparer ton match. Par contre, c’est toujours important de faire attention à quelques détails : l’alimentation, les heures de sommeil et la récupération. J’avais aussi besoin de ressentir une petite tension positive avant le match, ce n’est pas forcément bien pour moi d’être trop décontracté. Cette nervosité ne doit par contre pas prendre le dessus sur le but premier du foot, c’est-à-dire prendre du plaisir.

Viennent ensuite les USA et les Chivas de Los Angeles. Tu y débarques en tant que quasi star, non ?
En premier lieu, il faut dire que j’ai adoré cette expérience, et j’ai été déçu que mon corps ne me permette pas de la prolonger. Ensuite, la plupart des gens là-bas ne me connaissaient pas mais en voyant mon CV, mon expérience internationale et les clubs pour lesquels j’avais joué, ils ont rapidement su qui j’étais et une certaine forme de respect est venue naturellement. Ce qui a changé là-bas, c’est que j’étais plus considéré comme LE joueur de l’équipe et c’était prévu qu’ils jouent un peu plus pour moi sachant que je pouvais faire la dernière passe ou être décisif. C’est un peu ce que nous faisions à Hambourg avec Van der Vaart. Cependant, je ne cherche pas à dire que ce championnat est plus facile, au contraire il est compliqué car il est très physique et athlétique. Je regrette de n’y avoir pas pu plus montrer mon potentiel.


Le Suisse sous les couleurs de Chivas

A propos de l’équipe de Suisse tu as joué à 75 reprises et tu as marqué un but, un bon souvenir pour toi ?
C’est clair, c’est toujours un honneur pour moi de jouer pour mon pays. D’avoir pu faire le Mondial et l’Euro avec la Suisse, cela reste d’excellents souvenirs pour moi. Je me souviens de l’Euro 2004 au Portugal, d’avoir vu dans les stades que du rouge et du blanc partout ; tu sais en plus qu’au pays les gens te supportent, c’est quelque chose d’extraordinaire. Ensuite, à propos de ce but, je crois que tout le monde rigolait un peu sur le moment parce que je n’étais pas vraiment le genre de joueur à l’aise dans les 16 mètres adverses. Je monte sur un corner, le ballon me tombe sur la tête et frappe la latte. Heureusement, le gardien des Iles Féroé n’était pas dans un très grand jour et il n’a pas pu l’empêcher de rentrer. Et finalement c’était assez important parce que c’était l’ouverture du score, et on sait que ce n’est jamais facile de mettre le premier but là-bas.


Raphaël lors de l’une de ses 75 sélections avec la “Nati”

Sur l’ensemble de ta carrière, si tu devais retenir une seule personne qui ait été décisive dans ton parcours ?
Citer un nom ce serait trop dur, il y a plein de gens qui comptent au cours d’une carrière. Bertine Barberis, par exemple, qui a osé m’intégrer si jeune à l’équipe première, alors que c’était pas facile. Je m’en rends compte maintenant que j’entraîne, vu le nombre de coachs qui ne donnent justement pas leur chance aux jeunes. Sinon, il y a pas mal de gens avec qui je me suis très bien entendu tout au long des ces années et avec qui j’ai gardé contact.

Tu as dû arrêter ta carrière assez jeune à cause des blessures et tu t’occupes en ce moment des M14 du Servette FC. Comment t’est venue l’envie d’entraîner ?
En fait, à la fin de ma carrière, je ne voulais pas devenir entraîneur, j’ai donc pris 6 mois pour voyager et profiter un peu. Puis ensuite, c’est là que tu te poses des questions et puis je me suis rendu compte par moi-même que j’étais lié au football et que c’était sans doute la chose que je faisais le mieux. De plus, il faut aussi dire que sur le terrain, j’étais déjà un joueur assez tactique et qui réfléchissait pour les autres ; j’essayais toujours de faire un maximum pour l’équipe, je n’étais pas un joueur égoïste. Je crois que c’est à la suite de ce raisonnement que m’est venue  l’envie de devenir entraîneur. Et vu qu’actuellement je prends beaucoup de plaisir à transmettre aux jeunes mon expérience, ça m’encourage encore plus à continuer dans cette voie, et on verra bien ce que l’avenir me réserve.

Pour terminer…
Un plat : Soupe Minestrone de ma mère
Chemise ou T-shirt : T-SHIRT
Un acteur : Denzel Wahington
Niveau musique : Coldplay et leur chanson «Viva la vida »
Un stade : Celui de Dortmund, impressionnant
Un sportif : Roger Federer, pour son humilité et le fait qu’il soit resté simple.

Parcours en club :
•    1993-1997 : FC Sion (Suisse)
•    1997-2001 : Werder de Brême (Allemagne)
•    2001-2002 : Atlético de Madrid (Espagne)
•    2002-2007 : Hambourg SV (Allemagne)
•    2007-2008 : FC Sion (Suisse)
•    2008-mars 2009 : C.D. Chivas USA (États-Unis)

Un grand merci à Raphaël Wicky pour sa gentilesse et sa disponibilité!

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