Mattia Petrini : « Le maintien serait un exploit majuscule »

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L’entraîneur du FC Perly-Certoux nous parle de sa première expérience avec des actifs et ne cache pas la difficulté de sauver l’équipe en 2ème ligue inter.

Cinq points en 13 journées et une place de co-lanterne rouge. A neuf points de la barre au moment de la trêve, on pourrait penser que le maintien est quasi impossible pour Perly en 2ème ligue inter. Mais comme le répètent toujours les entraîneurs, “c’est un autre championnat qui recommence au printemps”. Mattia Petrini l’espère fortement, même s’il sait que ça va être compliqué et qu’il est conscient qu’il faudra faire un second tour aux alentours de 25 points pour être dans le coup. L’ancien joueur de Meyrin en Challenge League notamment, buteur contre Bâle en Coupe de Suisse (lire notre interview réalisée en 2012), connaît un parcours d’entraîneur atypique : il a débuté avec les seniors de Perly, cette équipe d’anciennes vedettes locales qui a longtemps dominé le championnat genevois –et Suisse– de la catégorie, avant d’être assistant de Matteo Vanetta avec les M18 de Servette. Depuis l’été dernier, le voici confronté à sa première expérience avec des actifs à Perly. Un projet basé sur la jeunesse et où une relégation en 2ème ligue ne serait pas la fin du monde. Interview.

 

Proxifoot : Après avoir entraîné des seniors, puis des juniors élite, te voilà avec des actifs à Perly. Quel est le plus gros changement ?
Mattia PetriniOn ne peut pas comparer ce que je fais aujourd’hui avec ce que j’ai fait en seniors. Si l’aventure humaine a été incroyable, du point de vue technique, en seniors, il n’y avait qu’un entraînement par semaine avec comme seul but le plaisir du jeu. Après, je suis fier d’avoir vécu ça et j’y ai énormément appris en termes de gestion de groupe. J’avais un groupe pour lequel la compétition avait encore beaucoup d’importance et il a fallu gérer les égos. Maintenant, si je devais faire une comparaison, ce serait davantage avec ce que j’ai vécu pendant deux ans aux côtés de Matteo Vanetta avec les M18 de Servette. Aujourd’hui je suis à un niveau amateur et les exigences sont moindres, en ce sens c’est difficile de ne plus être dans le football d’élite. Même si j’ai dans mon groupe des jeunes qui proviennent des juniors élite, je dois quand même composer avec des joueurs qui évoluent dans le monde amateur depuis plusieurs années. La difficulté est de trouver le juste milieu pour avoir suffisamment d’exigence pour les uns, sans trop en demander non plus aux autres. Sur ce premier tour, le challenge a principalement été là pour moi par rapport à mes expériences passées.

Comment es-tu arrivé à Perly ? Ton destin était-il lié à celui de Vanetta, qui était sur le départ avec les M18 de Servette ?
On avait déjà discuté pour la première équipe de Perly une année auparavant, mais ça ne s’était pas fait pour différentes raisons, principalement car je voulais continuer d’apprendre dans une structure élite et avec quelqu’un comme Matteo Vanetta. Cette année, je souhaitais prendre une équipe en tant qu’entraîneur en chef, aussi pour me permettre d’avancer dans mes diplômes. J’avais déjà averti Servette que je ne continuerais pas en tant qu’assistant, que ma volonté était de prendre une équipe. Etonnamment, mon arrivée à Perly était peut-être plus probable en 2016 plutôt que l’été dernier. J’étais parti sur autre chose au départ, on m’avait proposé un autre projet, dans le foot toujours, qui ne s’est pas concrétisé finalement. Puis Perly s’est à nouveau manifesté et cela s’est fait très rapidement. On est tombés d’accord sur les quelques points sur lesquels on divergeait une année auparavant.

Parlons de cette saison. Le bilan comptable, cinq points en 13 journées, est décevant. T’attendais-tu à un premier tour aussi compliqué ?
Non, je ne m’attendais pas du tout à ça. Le bilan comptable est insatisfaisant. Sur le projet mis en place avec les dirigeants, en m’appuyant sur des joueurs que j’ai choisis, je pensais clairement qu’on aurait accumulé quelques victoires et quelques nuls de plus. J’aurais imaginé un premier tour autour des 15 points. J’assume ce mauvais bilan, le gros point noir de ce premier tour, c’est le nombre de points.

Et au niveau du contenu ? 
C’est compliqué de te répondre sans passer pour un illuminé, mais oui je trouve que le contenu présenté ne méritait pas ces cinq petits points. Sur les 13 matchs du premier tour, il y en a trois où nous n’avons pas été bons: Terre Sainte (0-3), UGS (0-1) et Veyrier (1-3). Sur tous les autres matchs, je pense qu’on aurait mérité mieux. Après, attention, je ne suis pas en train de dire qu’on n’a pas fait d’erreurs ou que mes joueurs sont simplement mal payés parce qu’ils ont dépensé beaucoup d’énergie et que donc ils auraient mérité mieux. Mais simplement en analysant le jeu proposé, les occasions créées et concédées, les faits de jeu, il y a vraiment un grand nombre de matchs où on a été mal payés. D’ailleurs, pour donner du crédit à ce que je dis, je pense que lors de notre seule victoire, contre Servette M21 (2-1), un score nul aurait peut-être été plus logique. C’est pourquoi je tire un grand coup de chapeau à mes joueurs car il n’y a eu aucune démobilisation. Dans une situation comme la nôtre, on aurait pu le craindre. Or, chez nous, cela n’a jamais été le cas.

L’équipe a connu pas mal de changements l’été dernier, et la majorité des arrivées sont des joueurs très jeunes provenant de Meyrin II et Carouge II, des équipes de 3ème ligue. Cette inexpérience ne vous a-t-elle pas porté préjudice dans un championnat où l’expérience est un atout majeur?
C’est évident. J’espérais que les grandes qualités que possèdent ces joueurs pourraient suffire en 2ème ligue inter, mais force est de constater que non. Pour mieux gérer certaines situations, certains moments-clés, il faut dans une équipe 3-4 joueurs dits d’expérience. Et par « joueur d’expérience », je ne parle pas de l’âge, mais plutôt du vécu, du nombre d’années passées dans la ligue ou même à un plus haut niveau.

Comme Waldo Olivera, ton capitaine ?
Voilà, comme Waldo. Il a été un peu seul sur ce premier tour, il aurait fallu qu’il soit entouré de 2-3 autres joueurs. Quand j’ai repris l’équipe, j’ai trop été focalisé sur les joueurs à recruter; j’aurais certainement dû m’intéresser davantage à certains qui étaient déjà au club, même s’il semblait bien que le contingent explosait et que la plupart des joueurs étaient sur le départ. Je n’ai pas essayé de retenir quelques cadres car je pensais que la jeunesse et la fraîcheur des recrues pourraient suffire. Le joueur d’expérience au sens où je l’entends apporte deux choses: la gestion des moments-clés et une certaine « méchanceté » dans l’envie de gagner.

Petrini donne des consignes lors d’un match du premier tour

Par rapport à l’été dernier, il y a moins de mouvements cet hiver. Il n’y a pas eu de recrutement à tout va pour une opération maintien.
Cela fait six mois que je suis dans le football amateur et je suis déjà fatigué du mercato. C’est une chose qui ne me passionne pas du tout en soi. J’ai consacré trois semaines pleines cet été pour construire un contingent et ensuite tu arrives à la trêve et tu vois déjà partir certains. J’adorerais pouvoir travailler une saison entière avec le même groupe. Bref, non je ne suis pas parti à la recherche de cinq cadors pour faire 35 points au second tour. Et il faut être réaliste: on n’a pas l’argent que d’autres clubs ont, on a cinq points au classement, c’est compliqué pour recruter. J’ai malgré tout trois joueurs qui sont revenus au club, par eux-mêmes. Ils ont un certain attachement à Perly et malgré la situation au classement ils sont revenus avec l’idée de faire le maximum pour tenter un incroyable exploit.

L’arrivée de Mboli, meilleur buteur du groupe, amène-t-elle un nouvel élan ? Avec quelle optique abordez-vous ce second tour ?
J’ai moi-même posé la question aux joueurs à la fin du premier tour lors d’entretiens individuels. L’idée c’était de se baser sur le ressenti de chacun. Et ce groupe ne se satisfait pas du nombre de points obtenus au premier tour; il a presque vécu ça comme une injustice. Il y a l’ambition, pour ne pas dire le rêve, d’obtenir le maintien, ce qui serait un exploit majuscule. Cette ambition repose sur ce que les joueurs ont présenté au premier tour. Je ne serai pas là tous les jours à dire aux gars: « Il faut aller chercher les trois points! Il faut aller chercher le maintien! » Il faut qu’ils soient appliqués, qu’ils progressent sur certains points. Après on verra les résultats. On va prendre les matchs les uns après les autres, c’est une formule un peu bateau, mais pour nous elle est bien d’actualité.

Quel est le discours avec les dirigeants ?
Je me suis engagé sur deux ou trois ans. Sauf s’ils en décident autrement, je serai à la tête de l’équipe l’année prochaine encore et quoiqu’il arrive en termes de résultats. J’adorerais travailler sur trois ans avec un groupe, c’est une durée assez idéale pour transmettre un message, pour créer quelque chose et atteindre des objectifs. Avec les dirigeants, on est partis là-dessus, ils ne m’ont jamais mis la pression des résultats car c’est une volonté commune d’avoir comme objectif aussi de donner la possibilité aux jeunes de la région de s’exprimer à un niveau comme celui de la 2ème ligue inter.

L’hypothèse d’une relégation ne serait pas perçue comme une catastrophe ? Cela fait 12 ans que le club est en 2ème ligue inter.
Franchement, on n’en a pas discuté. Peut-être par superstition. Ce n’est pas que je n’y pense pas, mais on est tellement convaincus que ce qu’on a montré au premier tour a été mal payé qu’on a envie de dire que la première équipe de Perly sera en 2ème ligue inter la saison prochaine encore car elle y est à sa place. Après, si un jour l’équipe est mathématiquement reléguée –et il y a des chances bien sûr– là on se posera la question. Et si on devait tomber, mon message auprès des joueurs serait: « L’année prochaine, ce sera la 2ème ligue, mais rien ne change au niveau du projet. Pourquoi ne pas jouer le titre en 2ème ligue dans une année et jouer les premiers rôles en 2ème inter dans deux ou trois ans? » Mais que ce soit clair, je ne suis pas en train de préparer la saison prochaine en 2ème ligue là. L’idée est de faire comprendre à mon groupe que j’ai envie qu’il me suive comme moi j’ai envie de l’accompagner pendant trois saisons, peu importe la catégorie. Dans ce projet, il y a deux objectifs: s’appuyer sur des jeunes et leur permettre de se mettre en vitrine, mais aussi fidéliser des joueurs. Aujourd’hui, pour Perly, un peu comme pour Collex par exemple, c’est difficile car contrairement à Chênois ou Bernex, on n’a pas une section juniors suffisamment importante pour compléter un effectif de première équipe. Notre section juniors a moins de membres, moins de qualité, pour des raisons démographiques logiques. Il faut donc aller chercher des joueurs pour la première équipe et faire en sorte qu’ils s’y sentent bien et aient envie d’y rester, en leur proposant des choses au niveau sportif et extra-sportif. C’est tout un ensemble.

Pour finir, la seule victoire de ce premier tour a été contre les M21 de Servette. Toi qui es responsable administratif de l’académie du Servette, t’es-tu fait engueuler par ton employeur ?
(Rires) J’ai passé une semaine tranquille au travail, disons. Mais ce n’est pas parce que je suis à la tête de l’équipe que ce match a été gagné par Perly. Le mérite en revient aux joueurs qui ont sorti –encore– un gros match ce jour-là. Comme tous les entraîneurs de 2ème ligue inter, j’ai un job à côté. Il s’avère que pour moi, ce job est à 100% dans un autre club de foot. Et il s’agit d’un travail administratif. Ce sont deux activités différentes et je n’ai aucun problème à faire la part des choses.

 

Photos : OneClick-Photo & F. Pascal-Girod

 

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