L’AS Fribourgeoise se mobilise contre le renvoi de son joueur Kodjo Sossou

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A quelques heures de disputer son 1/8 de finale de Coupe genevoise, le club du Bois-des-Frères a une autre préoccupation.

Shpetim Arifi, qui a repris les rênes de l’AS Fribourgeoise au mois de juin 2018, est un président comblé. Sa première équipe a terminé le premier tour en tête du groupe 3 de 4ème ligue et reçoit Collex-Bossy II ce mercredi soir pour une place en quart de finale de la coupe genevoise. « Une qualification serait historique pour le club », avoue-t-il. En effet, ce serait une première pour le club depuis 51 ans.

Pourtant, depuis plusieurs mois, c’est un combat d’une autre importance que mène le club du Bois-des-Frères. Son joueur de la première équipe, Kodjo Sossou, est menacé d’expulsion dans son pays d’origine, le Togo : « Kodjo est arrivé au club en janvier 2018. Il nous a été recommandé par ses anciens coéquipiers du FC Geneva. En quelques semaines, tout le monde l’avait adopté. Outre ses qualités footballistiques, c’est son calme, sa gentillesse et son engagement qui sont appréciés de tous », nous explique son ex-coéquipier et membre du comité, Ludovic Glassey.

Début septembre 2018, son entraîneur, Florent Bianco, remarque que quelque chose a changé dans le comportement de son défenseur central. « Son sourire était moins présent, il semblait préoccupé ». Le joueur se confie enfin à son président : sa demande d’asile a été rejetée, l’expulsion est imminente. « Nous connaissions son statut de demandeur d’asile, mais Kodjo est quelqu’un de très discret sur sa vie privée et a du mal à demander de l’aide ».

Une mobilisation spontanée naît au sein du club : récolte de fonds pour couvrir les frais d’avocat, démarches auprès des diverses institutions genevoises, contacts établis au Togo afin de récolter de nouvelles preuves pour son dossier. Le club sait que les chances de réussite de son action restent faibles au vu de la politique d’asile du pays et surtout de l’avancée du dossier. « L’avocat nous a confié que le travail fait en amont, depuis 2015, par les diverses personnes qui ont aidé Kodjo, avait été réalisé avec plein de bonne volonté mais avec de grosses lacunes en matière de droit d’asile », précise Ludovic Glassey.

Pas question de s’évaporer dans la nature pour Kodjo même si un retour au pays rimerait avec la case prison de Lomé. « C’est purement politique. Kodjo n’est ni un criminel, ni un voyou, au contraire ! Nous n’avons jamais eu un joueur aussi intègre. Le récit de sa vie nous a tous bouleversés et nous a donné une leçon de vie. Nous avons compris d’où venait sa force et sa sagesse », confie le président Arifi.

Début octobre 2018, le ciel fribourgeois s’obscurcit, plus de nouvelles de Kodjo. « Un jour, j’ai reçu un appel du centre de détention de Favra, raconte Ludovic Glassey. Il avait été arrêté au foyer de la Praille où il vivait depuis 2015 ». Pour ses intendants du foyer, c’est la consternation. Kodjo n’était pas apprécié que dans le cadre sportif. Au foyer, il avait plusieurs responsabilités qu’il effectuait de manière consciencieuse pour la modique somme de 300 francs par mois. Quand la loi a changé et que la rémunération est passée de 300 à 50 francs, il a continué a assumer ce rôle avec sérieux.

Kodjo passe six semaines dans les centres de détention de Favra et de Frambois. « Il angoissait beaucoup en pensant à ce qui l’attendait au pays, Il a perdu sept kilos et ne dormait plus. Il passait ses journées à lire et à prier. La foi chrétienne est au centre de sa vie ». Les joueurs de l’AS Fribourgeoise se relaient pour aller lui rendre visite. En parallèle, son avocat, Maître Camporini, dépose une demande de révision auprès du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). Le SEM accepte de réviser le dossier suite aux nouvelles pièces apportées. Une lueur d’espoir. Dans la foulée, une demande de remise en liberté est déposée. Vendredi 16 novembre dernier, l’audience a lieu au Palais de Justice. Trois joueurs du club sont appelés à s’exprimer en qualité de témoins. « 12 membres du club se sont proposés », s’enthousiasme le président. Dans l’après-midi, la nouvelle tombe : Kodjo est libéré ! Ludovic Glassey, accompagné de deux joueurs de la première équipe, attendent sa sortie du poste de police de la Jonction. Après deux heures d’attente, le voilà enfin. « On s’est pris dans les bras. Des larmes de joie et de fatigue ont coulé. Emotionnellement, c’était très fort ! ».

La nouvelle se répand au sein du club. Des messages de joie inondent le groupe WhatsApp de la 1ère équipe. « Il y avait plus d’émotion que lors de notre victoire à Lancy en coupe », sourit Florent Bianco. Un entraînement est improvisé le dimanche matin. « J’ai eu plus de présences qu’en semaine ! Le revoir parmi nous c’était quelque chose de magique ».

Malheureusement, lundi matin le ciel tombe sur la tête du joueur. Le SEM a rejeté l’appel ! « Moralement, c’est très très dur, nous confesse Ludovic Glassey. Nous avons eu personnellement des contacts au Togo, des journalistes, des hommes politiques, qui nous ont assuré que la situation est dangereuse pour lui. Des gens de la diaspora togolaise également. Il a toujours été droit, honnête. Nous avons deux employeurs qui sont prêts à l’engager, pas pour des questions de charité mais parce qu’ils connaissent son sérieux. Nous sommes conscients de la complexité de la politique d’asile en Suisse. Nous sommes une association sportive non politisée mais un homme comme lui, renvoyé de la Suisse, traité comme un criminel, ça fait mal. Nous espérons un geste du canton ».

Les membres de l’AS Fribourgeoise sont prêts à continuer le combat juridique et aussi à interpeller l’opinion publique par voie médiatique. “Nous avons rendez-vous avec deux journalistes la semaine prochaine. Nous n’allons rien lâcher, un peu à l’image de Kodjo sur le rectangle vert”, conclut le président. Si le football genevois a fait parler de lui pour des faits malheureux ces derniers mois, cette mobilisation pour Kodjo, qui rappelle le cas d’Alagie Cassama au FC Donzelle en 2015, est une occasion de démontrer que le football amateur véhicule toujours des valeurs d’entraide et de solidarité.

 






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