Éric Sévérac : « On a appris à vivre avec cette pression »

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L’aventure du champion en titre Servette Chênois reprend jeudi à Zurich, avant la Ligue des Champions la semaine prochaine. Interview avec l’entraîneur Éric Sévérac.

C’est (déjà) reparti pour le Servette Chênois Féminin. Sacrées championnes le 20 mai dernier après deux ans de domination à l’échelle nationale, les Servettiennes s’apprêtent à affronter une nouvelle saison avec un autre statut. Engagées en Ligue des Champions dès la semaine prochaine, tout comme Zurich, leur premier adversaire en championnat, elles rentreront tout de suite dans le vif du sujet. Après une préparation faite notamment de matchs amicaux contre des cadors européens et un mercato caractérisé par des arrivées de renom, les conditions semblent réunies pour réaliser une entame réussie. Alors qu’il démarre sa cinquième saison à la tête de Servette Chênois, Éric Sévérac se livre à l’aube de la reprise.

Proxifoot : Après avoir été confirmé comme entraîneur en avril, vous avez été champion en mai : on imagine que vous avez passé un été agréable.
Éric Sévérac : L’été a surtout été très court (rires). Nous avons eu beaucoup de départs, donc il a fallu recruter. Ça a été des mois de construction, mais que nous avons traversés en conservant l’euphorie et la bonne ambiance qui a découlé du titre.

Justement, est-ce que le départ de certains cadres vous inquiète ?
Il s’agissait de départs programmés, et nous avions donc pu anticiper beaucoup de choses. Je ne crains donc pas spécialement ces départs, mais ce qui sera le plus délicat ce sera de créer cette nouvelle équipe. Les joueuses qui sont arrivées sont peut-être meilleures intrinsèquement, mais créer une équipe peut être un peu difficile et ne se fait pas en deux ou trois semaines. C’est peut-être le seul doute, même s’il reste très petit car les nouvelles joueuses sont vraiment très compétitives pour notre équipe.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ces nouvelles arrivées ?
Nous avons récupéré deux internationales portugaises (Inês Pereira et Mónica Mendes) qui vont nous permettre de compenser cette expérience perdue avec les départs de Caroline Abbé et de Maeva Sarrasin. Il y a également une buteuse espagnole qui arrive de Logroñés (Jade Boho) ; deux joueuses françaises qui arrivent de Glasgow et de Dijon et qui ont une belle expérience (Daïna Bourma et Élodie Nakkach) ; une joueuse du championnat australien (Tessa Tamplin) ; une très jeune joueuse issue du club (Ines Sebayang, 15 ans) ainsi qu’une autre jeune qui arrive de Young Boys (Ilona Guede Redondo). On a perdu huit joueuses et on en a récupéré huit, donc on est contents.

Votre identité de jeu pourrait-elle changer avec ces huit remplacements ?
Les principes de jeu resteront plus ou moins les mêmes, mais bien sûr il faudra s’adapter aux caractéristiques de chacune des joueuses. On va travailler pour trouver ensemble le meilleur chemin pour qu’elles puissent prendre du plaisir et amener des résultats au club.

Plus globalement, pensez-vous que cette saison, celle de la confirmation, sera plus difficile que les précédentes ?
Elle sera sûrement plus dure car tout le monde va encore plus nous attendre. Mais nous avons montré l’année passée que nous savions répondre à ces exigences. Ce qui sera dur aussi cette année, c’est qu’au lieu d’avoir un seul adversaire direct, on risque d’en avoir deux en plus, c’est-à-dire Bâle et GC, ce qui n’est pas plus mal pour le football féminin. Il faut aussi penser au fait qu’avec cette nouvelle modalité des playoffs, cela peut faire ressortir un champion qui aura terminé quatrième ou cinquième du championnat et qui aura remporté ces matchs couperets à la fin. Nous, nous sommes armées pour viser des titres. Nous allons tout faire pour gagner le titre encore une fois, et pourquoi pas faire le doublé.

Pour faire mieux, le doublé championnat-coupe est donc l’objectif ?
Je dirais même plus. Au-delà du doublé, pourquoi pas passer ce tour préliminaire de Champions League pour atteindre le même stade que l’année passée. On ne veut pas faire moins bien, ça c’est une certitude. Nous avons ces trois objectifs clairs. Certains arrivent tôt, mais d’autres comme la Coupe sont encore loin et nous travaillerons sereinement et durement pour les atteindre.

Avec ce statut de champion en titre, sentez-vous plus de pression chez les joueuses ?
Franchement, non, car on a vécu depuis deux ans avec cette pression. Nous étions premières au moment de l’arrêt Covid il y a deux ans et l’année passée on a appris à vivre avec cette pression qu’on se mettait. Nous avons réussi à dompter cela un petit peu, même si c’est clair que les gros matchs auront une saveur particulière. Mais ce côté-là ne m’inquiète pas trop, par rapport aux joueuses que l’on a.

Vous avez disputé des matchs amicaux de prestige pendant votre préparation. Quels enseignements en tirez-vous ?
En jouant des matchs à notre portée, on se met peut-être en confiance mais on ne progresse pas. C’est en faisant des erreurs, comme pendant ces matchs amicaux contre des grosses écuries, qu’on arrive à se corriger et qu’on apprend plus vite. C’était surtout ça l’objectif : être prêt pour le match contre Zurich jeudi et pour la Ligue des Champions la semaine prochaine en affrontant des équipes qui ont cette expérience de l’Europe. Ça nous a fait beaucoup de bien car nous nous sommes rendus compte d’avoir comblé une partie du déficit que nous avions par rapport à ces équipes. Nous avons été moins en difficulté que les autres années et nous avons montré des choses intéressantes.

Au-delà des matchs amicaux, la préparation a été satisfaisante ?
Oui, nous avons pu travailler à Crans-Montana comme l’équipe masculine. On a pu construire et intégrer les nouvelles joueuses. Hormis quelques pépins, qui sont coutumiers dans les préparations, on a réussi à faire tout ce qu’on voulait. On arrive avec des certitudes, même si on sait que sur un match tout est possible. On verra ce qui se passera jeudi, mais on a toutes les cartes en main pour réussir une belle prestation.

Affronter directement Zurich, votre principal rival de l’année dernière, est selon vous une bonne chose ?
C’est un très très bon dernier match de préparation pour la Ligue des Champions (rires).

Comment voyez-vous la rencontre face aux Zurichoises ?
Elle sortent aussi de leur préparation. On aurait peut-être préféré jouer ce match en milieu de championnat, ça aurait été plus sympathique pour tout le monde. Elles sont un peu dans la même situation que nous, elles se préparent pour leur match contre l’AC Milan la semaine prochaine. Elles sont prêtes, elles ont des renforts et c’est une belle équipe qui va aussi viser ce titre qui ne lui appartient plus depuis deux ans. Ce sera un beau match qui sera télévisé, et j’espère que ce sera une belle publicité pour le football féminin.

Pour finir, de quoi dépendra la réussite de Servette Chênois cette saison ?
Elle dépendra essentiellement de la capacité des joueuses d’être intégrées dans cette nouvelle équipe. Puis, il y a toujours une dynamique de succès et de victoires à trouver. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’on gagnera des matchs et qu’on se retrouvera en haut. Maintenant, des détails feront qu’on sera premiers, deuxièmes ou troisièmes. Il faudra soigner les détails et travailler sereinement. Plus vite on gagnera des matchs, plus vite on acquerra cette confiance et on sera difficile à battre et à déboulonner du haut du classement”.

 

Avant de conclure la conversation, Éric Sévérac a tenu à saluer le travail et a mentalité de ses joueuses : “Les filles font un travail exceptionnel et des sacrifices exceptionnels. La visibilité qu’elles ont actuellement, c’est le minimum par rapport à leur investissement. C’est toujours un privilège d’être à leurs cotés. On voit de très belles choses se développer et j’espère que tout le monde continuera à les suivre et à s’intéresser encore plus à ce football féminin”.

Place au terrain désormais. Le déplacement de jeudi au Letzigrund face au FCZ sera suivi d’un autre voyage jusqu’en Finlande la semaine prochaine, pour disputer le premier tour préliminaire de Ligue des Champions mercredi face aux Nord-irlandaises du Glentoran Women’s Football Club. Cette saison encore, il faudra garder un œil sur Servette Chênois Féminin, projet en constant développement qui pourrait bientôt faire partie des grands.

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