Les jeunes prennent les commandes

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Depuis quelques mois, des jeunes deviennent entraîneurs ou présidents au sein des clubs genevois. Ces prises de pouvoir inédites demeurent rares, mais démontrent que l’âge n’est pas une condition impérative pour réussir hors du terrain de jeu. Démonstration avec Frédéric Simoes (CS Interstar), Wayki Montano (US Carouge) et Mikael Palma (US Genève-Poste).

Le 7 août 2010, André Villas-Boas a 32 ans à peine lorsqu’il remporte la Supercoupe du Portugal comme entraîneur du FC Porto. Un minot bien seul parmi les dinosaures Ferguson ou Del Bosque. Toutes proportions gardées, le football genevois, au niveau des actifs, ne fait pas exception et rares sont les jeunes prêts à y assumer d’autres rôles que celui de joueur. Depuis quelques mois pourtant, plusieurs jeunes n’hésitent pas à prendre des responsabilités au sein de leurs clubs. S’acquittant de leurs tâches avec sérieux et avec succès, ils démontrent que les moins de 30 ans sont à même de s’affirmer au-delà de la ligne de touche.

Entraîneur, président ou autogestion

A l’US Genève-Poste, c’est Mikael Palma qui dirige la première équipe. A 26 ans, il poursuit avec succès une carrière d’entraîneur entamée il y a dix ans déjà au sein des juniors du FC Meyrin. Néo-promue en 3ème ligue, sa formation pointe à ce jour au 2ème rang du groupe 2. « Je suis avec le même groupe de joueurs depuis trois ans et demi maintenant (en comptant les saisons passés à Satigny II), avec à la clé trois promotions consécutives », résume avec fierté le jeune coach. Faute d’équipe junior, il n’y aura malheureusement pas de quatrième promotion cette saison.

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Mikael Palma, jeune entraîneur de Genève-Poste

De son côté, Frédéric Simoes conjugue désormais ses talents de joueur avec la fonction de président du CS Interstar. Suite au refus du club de fusionner avec l’Athlétique Régina et le FC Saint-Jean, il a été propulsé à 26 ans à la tête du club de Varembé : « Je n’avais jamais pensé diriger un club, mais je suis un amoureux du football et investir son temps dans ce que l’on aime, c’est un plaisir. » Force est de constater qu’il gère avec brio ce club qui compte pas moins de 380 licenciés et dont la première équipe joue le haut du tableau en 3ème ligue.

Dans un registre quelque peu différent, les joueurs de la première équipe de l’US Carouge ont décidé de s’autogérer. Renonçant à un entraîneur, les jeunes Carougeois ont mis en place une organisation bien rôdée. « A chaque tour, nous élisons quatre personnes qui sont chargées de convoquer les joueurs, composer l’équipe et dispenser les entraînements. D’autres sont responsables du matériel, de la trésorerie ou encore de l’organisation d’activités », nous explique leur capitaine Wayki Montano. Cette harmonie se reflète sur le terrain, puisque l’équipe a connu deux promotions consécutives et qu’elle vient d’être sacrée championne d’automne du groupe 1 de 3ème ligue. Malheureusement, tout comme Genève-Poste, l’US Carouge sera privé de promotion en fin de saison quel que soit son classement.

Pari gagnant ?

Serait-ce à dire que confier des responsabilités aux jeunes est un pari gagnant ? Les résultats vont dans ce sens, bien que cela demande vérification sur le long terme. Ce qui est certain en revanche, c’est que ces jeunes font preuve de sérieux et s’appuient sur des valeurs saines. « La force d’un jeune président, c’est son dynamisme et son ambition. Il peut apporter de nouveaux projets à un club qui se satisfait de sa routine. Il faut savoir être ambitieux, mais pas trop », estime Frédéric Simoes. Ambition sans arrogance également chez Mikael Palma : « Je suis ambitieux, oui, mais je cherche constamment à apprendre, à m’améliorer. Pour cela, je n’hésite pas à demander conseil auprès des autres ».

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Le président/joueur Simoes, un battant sur le terrain mais aussi en dehors (Photo: IV Sport)

Outre les vertus inhérentes à la jeunesse, on observe qu’une faible différence d’âge est perçue comme un avantage au niveau relationnel. Pour le président du CS Interstar, « cela permet de mieux dialoguer, d’être plus proche des joueurs et de mieux comprendre leurs problèmes. A mon sens, les joueurs sont plus sincères envers quelqu’un de plus jeune, qui partage leur quotidien ». Même son de cloche chez Mikael Palma : « Le dialogue avec les joueurs est plus facile quand on a le même âge. On discute ensemble des choses à améliorer car, au final, ce sont eux qui sont sur le terrain ».

Conscients que leur manque d’expérience peut parfois leur être préjudiciable, la classe biberon fait preuve d’une maturité étonnante. Par exemple, l’autogestion à l’US Carouge se déroule sans problème. Pour Wayki Montano, cela tient au fait que « le groupe est composé de personnes intelligentes, qui savent être exigeantes quand il le faut. Il faut arriver à distinguer ce qui se passe dans les vestiaires et en dehors du foot. » Chaque dimanche, Mikael Palma doit, lui, faire ses choix et reléguer parfois certains de ses potes sur le banc. « Ce n’est jamais facile, mais j’ai la chance d’avoir un groupe qui sait faire la part des choses et respecte toujours mes décisions. Si les joueurs sentent que tu t’investis, que tu sais ce que tu fais et que tu accomplis un travail de qualité, l’âge ne sera jamais un problème », confie le coach des postiers.

Un phénomène rare

N’empêche, les exemples restent rares. Pourquoi ? « Du côté des clubs, on ne fait pas assez confiance aux jeunes. Et du côté des jeunes, certains se sous-estiment alors que d’autres sont trop attirés par l’argent et le succès facile pour s’investir réellement », analyse Frédéric Simoes. Enfin, il va de soi que nombreux sont ceux qui privilégient le statut de joueur aussi longtemps que possible.

Il faut également en être conscient, prendre de telles responsabilités peut s’avérer ingrat. S’engager en tant qu’entraîneur ou président exige une grande disponibilité, souvent sous-estimée. En contrepartie, pas d’argent ou ni de paillettes, mais le plaisir de s’investir avant tout.

Le courage des jeunes assumant des responsabilités mérite donc d’être salué. Les initiatives récentes entrevues dans le football genevois sont encourageantes et l’avenir dira si d’autres suivront. Ceux qui hésitent à se lancer entendront peut être le message de Wayki Montano : « Ce n’est pas grave si l’on n’est pas forcément prêt. On avance, on apprend, on loupe, on recommence et c’est ainsi que l’on finit par réussir ».

Wayki Montano

Montano, capitaine de l’équipe autogérée d’US Carouge (Photo: IV Sport)

 

Pour Proxifoot, Ludo.

 

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