Rosa Rota-Aranda, pour l’amour des filles

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Fondatrice de la section féminine du FC Champel, la coach hispano-chilienne vient d’obtenir la promotion en 3ème ligue.

Si quelqu’un l’a déjà vue faire la tête, qu’il nous fasse signe. Avec son sourire permanent, Rosa Rota-Aranda transmet sa bonne humeur contagieuse à la section féminine du FC Champel. Cette saison, les Champeloises ont été sacrées championnes de 4ème ligue. Avec 14 victoires, 2 nuls et 2 défaites, elles ont terminé devant Vernier et Veyrier, décrochant ainsi le ticket tant convoité pour la 3ème ligue. Pour celle qui a bâti de toutes pièces le football féminin du côté du club de Vessy, la promotion de ses filles est une belle récompense.

Maman de substitution, un travail de l’ombre

Car oui, c’est bien de « ses filles » dont il s’agit. Du moins pour l’une d’entre elles, Celia, dont elle est la maman et qui est à l’origine de son investissement au sein du club champelois. L’intéressée détaille : « Ma fille a commencé le foot à 4 ans avec les garçons et quand elle en a eu 12, on pensait changer de club. Puis, avec le président Sam Mifano, on s’est dit qu’on pouvait créer une équipe féminine. J’ai arpenté les terrains, j’ai distribué des flyers, etc. J’ai réussi à avoir 2-3 filles de l’école internationale, et c’est parti de là. Au début, on a fait une équipe mixte, puis finalement uniquement des filles. Il a fallu aussi trouver des entraîneurs, cela a été très compliqué ».

Rosa a toujours travaillé en binôme : la tactique pour l’entraîneur, l’affect et l’humain pour elle. Une formule qui réussit depuis des années maintenant. Les entraîneurs passent, elle reste. « La tactique, ce n’est pas trop mon truc, moi j’ai plutôt le côté rassembleur. Parce qu’au départ, pour réunir des filles de Carouge et des filles de l’école internationale, ce n’était pas évident. Il a fallu beaucoup bosser pour que la mayonnaise prenne entre les filles, le milieu social n’était pas le même. Donc je suis plutôt la grande sœur, la deuxième maman, la confidente, la copine, à qui elles viennent raconter leurs déboires amoureux, familiaux, etc. », détaille la coach d’origine hispano-chilienne.

Un travail invisible qui paye, et ce malgré un contexte difficile : avec des joueuses issues de l’école internationale et venant de familles expatriées, le concept du “long terme” n’est pas vraiment d’actualité. Les joueuses arrivent, repartent, mais la vie continue. Et davantage cet été : « Cela va pas mal bouger cette année, il y a beaucoup de départs à l’étranger. Donc on cherche des joueuses mais qui tiennent la route pour la 3ème ligue. On ne veut pas prendre des filles pour prendre des filles », ajoute l’exigeante coach.

Une montée, ça s’arrose

Une passion née d’une frustration

Pour mieux connaître les origines de l’amour de Rosa pour le ballon rond, il faut remonter à son enfance : « J’ai toujours voulu faire du foot, mais mes parents ont toujours refusé. Pour eux, une fille ça ne doit pas faire du foot, contrairement à mes deux frères qui pouvaient en faire. Du coup, je faisais de la danse classique et je gâtais les cours pour pouvoir jouer au foot avec mes copains », explique-t-elle.

De cette frustration est née la passion. Quelques années plus tard, de son statut de maman à celui de coach, il n’y avait qu’un pas à faire. Dans une période où le football féminin genevois se résumait encore à Chênois, Aïre et Bernex, Rosa fait un peu office de précurseur, même si elle refuse cette étiquette. Elle a osé se lancer, et ce malgré des réticences au début : « Au départ, on était que deux à croire en une section féminine : le président et moi. Dans le comité, tout le monde nous prenait pour des fous. Je me suis accrochée. J’étais un peu la risée de certains clubs qui pensaient : ‘Elle va jamais y arriver, des Champeloises qui jouent au foot, vraiment ?’. Cette montée est un peu ma petite revanche. Avec de la ténacité, on peut y arriver, faut juste s’accrocher et le vouloir ».

Les Champeloises, lors d’un match contre Veyrier cette saison

Partie pour rester

Cette promotion, cela fait quelques années que les Champeloises la cherchaient. Après avoir remporté le titre en A/B féminines, les pensionnaires de Vessy ont connu quelques frustrations les années suivantes, avec deux championnats qui leur ont échappé de peu : « Après le titre en A/B en 2013, on a fait une année de 4ème ligue, on a fini co-leaders mais on a perdu le titre au goal-average. Puis, on a décidé de redescendre en M20, où on a également perdu le titre au goal-average. Et cette année, on a retenté la 4ème ligue et on s’est dit que ce serait la bonne. Et on y est arrivées, mais cela n’a pas été facile ».

L’année prochaine, ce sera en 3ème ligue que les Champeloises iront tenter un nouveau coup, dans un championnat qui comportera des équipes genevoises, vaudoises et fribourgeoises. Cela se fera de toute façon avec Rosa, elle qui voulait arrêter sur une montée mais qui a décidé de continuer : « Les filles étaient désespérées de me voir partir, donc je me suis arrangée pour rester mais uniquement pour les matchs. J’ai trouvé un entraîneur qui vient avec une assistante, eux s’occuperont des entraînements la semaine et je viendrai aux matchs le dimanche. Je m’occuperai également de tout l’administratif ».

De toute façon, si un jour elle décide de partir, elle laissera derrière elle des fondations solides et un football féminin qui n’est plus un sujet tabou. Elle voit même d’un oeil positif l’arrivée du Servette dans le football féminin genevois : « J’espère que cela va inciter beaucoup plus de filles à s’inscrire au foot et qu’on va avoir un plus grand championnat féminin à Genève. Rien que le nom « Servette », ça peut faire avancer les choses. Il le faut ». Si seulement elle avait pu en profiter dans les années 1980…

 

Photos : FC Champel

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