Pascal Chobaz : « J’ai quelques doutes sur la reprise des championnats »

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Pandémie de Covid-19 oblige, les clubs genevois sont à l’arrêt depuis un mois. Cela implique notamment des préjudices économiques importants. Entretien avec Pascal Chobaz, président de l’ACGF, qui dresse un état des lieux et qui confie qu’aucun scénario de reprise n’a été préparé. 

L’épidémie de coronavirus a suspendu tous les championnats amateurs jusqu’au 26 avril au moins. Les 64 clubs genevois et ses plus de 16.000 licenciés doivent prendre leur mal en patience et attendre. En coulisse, l’inquiétude grandit, car l’impact financier de la crise actuelle commence à se faire ressentir sur les clubs amateurs. Plusieurs clubs utilisent en effet comme leviers financiers l’organisation de manifestations. Or, celles-ci restent en suspens à l’heure actuelle depuis les mesures annoncées par la Confédération. Par ailleurs, aucun scénario de reprise n’a été préparé pour l’heure. Quelles solutions se présentent aux clubs genevois ? Le point avec Pascal Chobaz, président de l’Association cantonale genevoise de football (ACGF).

Proxifoot : Si la crise actuelle touche de plein fouet le sport professionnel, elle impacte financièrement aussi le sport amateur, dont les clubs de football qui n’évoluent pas en Swiss Football League. Quelle est la situation pour les clubs genevois ? Avez-vous ressenti des signaux de détresse ?
Pascal Chobaz : Nous avons fait un large tour des clubs il y a une quinzaine de jours pour prendre le pouls. Au niveau de l’évaluation de l’impact, il y a évidemment une perte de revenus, à travers l’organisation de manifestations, comme les tournois ou les repas de soutien, mais aussi au niveau des recettes issues de la buvette pour certains clubs. Ainsi, à titre d’exemple, ce manque à gagner a été évalué par un club à 50’000 francs.  En ce qui concerne les charges, certaines sont quelquefois incompressibles. Je fais référence ici aux contrats et autres engagements financiers prévus jusqu’au 30 juin. À l’heure actuelle, les clubs ne savent pas encore s’ils termineront la saison à l’équilibre ou en déficit.

La Confédération promet une enveloppe de 50 millions pour le sport de masse, aux associations sportives. Une aide sous forme de contribution à fonds perdus. Comment l’ACGF se mobilise-t-elle pour ses clubs ?
De mon point de vue, ces 50 millions vont être difficilement accessibles. Pour réellement en bénéficier, deux conditions sont incontournables : cette aide doit servir à protéger les clubs contre l’insolvabilité. En d’autres termes, il faut qu’il y ait un risque réel et effectif d’être insolvable pour faire une demande. De plus, le club doit pouvoir démontrer qu’il a pris toutes les mesures utiles pour éviter une telle situation. En clair, si le club compte des collaborateurs, il doit avoir déposé une demande de Réduction d’Horaire de Travail (RHT). Ces différents cas de figure me font penser que ce levier sera compliqué d’accès pour les clubs genevois.

Quels autres leviers existe-t-il alors ? Que proposez-vous ?
Nous encourageons plutôt les clubs à faire une demande exceptionnelle de soutien auprès du Fonds du sport genevois. Au plan cantonal, le Fonds du sport genevois, associé aux collectivités publiques du Canton et de la Ville de Genève, a édité une marche à suivre concernant la possibilité d’effectuer une demande exceptionnelle de soutien, qui devra obligatoirement être en lien avec les conséquences de la pandémie sur les finances des clubs. L’ACGF invite les clubs avec force à le consulter. Ensuite, pour les clubs d’une certaine ampleur et qui développent une forme d’activité commerciale, il est a priori possible d’obtenir – en cas de crise de liquidités – un prêt auprès de leur relation bancaire habituelle (BCGE, UBS, Crédit Suisse, Raiffeisen,…). Ce prêt est, selon les informations reçues, au maximum de 10% du chiffre d’affaires annuel, doit être remboursé sur six ans au maximum, et son taux d’intérêt est de 0% en tous les cas pour la première année. Si besoin, l’ACGF invite les clubs concernés à prendre contact avec leur partenaire bancaire habituel. Enfin, le tout dernier ressort reste une aide communale extraordinaire.

En ce qui concerne le Fonds du sport, combien un club peut-il espérer recevoir ?
Le montant total de l’enveloppe n’a pas été indiqué.

Toujours sur ce point, le Fonds du sport est alimenté chaque année par la part des bénéfices de la Loterie Romande destinée au Canton de Genève. Or, la crise plombe les chiffres de la LoRo également. Les subventions pourraient en pâtir.
Il pourrait effectivement y avoir un impact dès l’an prochain.

Quel est votre état d’esprit ? Êtes-vous confiant ?
Oui, mais avec de la prudence. Ce que j’ai observé, c’est que les clubs qui ont le plus de difficultés sont généralement ceux qui comptent peu d’équipes inscrites. En effet, ceux qui affichent une formation au niveau des jeunes, qui possèdent des équipes juniors, disposent généralement d’une assise financière assez stable qui devrait leur permettre de passer ces difficultés.

Doit-on néanmoins comprendre qu’il y a un risque concret de voir des clubs disparaître ?
Oui, même si ce risque existe aussi hors pandémie !  Le message que nous voulons faire passer est celui de la solidarité au sein des clubs. Toutes proportions gardées, c’est le même raisonnement que dans le football professionnel. Si, pour sauver un club, il faut réduire, voire supprimer son indemnité, je pense que cela fait partie du jeu. D’autant plus qu’un entraîneur, dans un club amateur, est avant tout un bénévole dans l’âme. Ce n’est pas l’argent son moteur.

Certains présidents misent sur le fait que les championnats amateurs reprennent fin mai. Qu’en est-il de cette possibilité ?
Pour l’instant, aucun scénario de reprise n’a été préparé. Il règne un grand climat d’incertitude. Quelles vont être les décisions prises la semaine prochaine ? Quelle sera la situation au 30 avril ? Au 15 ou 31 mai ? Je n’en sais rien.  En l’état, il est largement prématuré d’évoquer une reprise. Si, par hypothèse, le championnat reprenait, on sait déjà que les clubs ne pourraient pas reprendre sans entrainement ni jouer trois matchs par semaine durant quatre semaines. Pour ma part, j’ai quelques doutes qu’il y ait une reprise des championnats amateurs. Le footballeur du dimanche ne va pas jouer son championnat en juillet-août. Nous avons nettement moins de contraintes que les professionnels. Ce que je souhaite, c’est que l’ASF prenne des décisions nationales et non régionales. Que tout le monde soit logé à la même enseigne.

 

Photo : Jean-Luc Auboeuf, archives

 

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