Jan Kaye, de la Ligue 2 au stade Alfred-Comoli

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Entretien avec Jan Kaye, nouveau buteur du Compesières FC et ex-adversaire de Clément Lenglet, Karl Toko-Ekambi ou encore Marvin Martin.

Auteur d’un triplé pour marquer le début de la saison de 3e ligue genevoise, Jan Kaye n’a pas tardé à se mettre en évidence avec son nouveau club de Compesières. Pas étonnant lorsque l’on connaît le parcours du jeune homme de 26 ans, qui vivait encore du football il y a quelques mois. Entretien avec Jan Kaye, passé des pelouses de la Ligue 2, à celle du stade Alfred-Comoli.

Déjà à Compesières en juniors

J’ai commencé le football à Monnetier-Mornex, dans le club de ma petite ville“, commence Jan Kaye. Bien que né à Genève, le jeune homme de 26 ans a grandi et tapé ses premiers ballons sur les terrains de France voisine. Avant de revenir en Suisse : “Après, je suis parti à Veyrier, puis à Compesières. J’ai fait un an et demi là-bas, en Juniors B 1er degré.” Il ne le sait pas encore, mais le destin l’amènera à recroiser la route du club rouge et blanc.

Très talentueux, l’attaquant traverse la frontière une nouvelle fois. En France, il passe par les juniors de l’AJ Auxerre et de Drancy, en région parisienne. Avant de revenir près de chez lui, à Évian Thonon Gaillard, pour ses dernières années chez les jeunes. Dans le club savoyard, il réalise une excellente saison, en U19, et se rapproche de l’équipe professionnelle. “J’ai fait des bons matchs avec la réserve. Et dès que tu fais des bons matches en réserve, les pros viennent te voir. J’ai fait des entraînements avec, ça se passait bien, donc j’ai commencé à faire quelques matches. J’ai marqué des buts avec eux, et puis voilà“, résume humblement Jan Kaye. Pour le compte de la saison 2015-16 de Ligue 2, le Genevois dispute huit matches sous les couleurs roses de l’ETG, et marque par deux fois. Une ascension parfaite, bien qu’aidée par “un peu de réussite“, qui s’apparente à un petit conte de fée.

Sauf que le monde du football réserve souvent bien des surprises. Et Jan Kaye en sait quelque chose. À la fin de la saison 2015-16, les Savoyards enchaînent une deuxième relégation consécutive et s’écroulent, sous tous les aspects. Le club est placé en redressement financier, avant d’être liquidé. “J’ai été l’une des victimes de la liquidation de l’ETG. J’avais déjà signé mon premier contrat professionnel, mais il n’a pas été homologué là-bas, vu que le club est descendu“, relate l’attaquant de 26 ans. Ce dernier se retrouve alors libre de tout contrat, comme obligé de partir. “À la base, ce que je voulais, c’était rester dans le club de ma région, où j’avais commencé en pro. J’étais content d’être à l’ETG, car je viens de Genève et ses alentours. Du coup, je connaissais tout le monde, j’étais bien“, confie-t-il.

Jan Kaye (en bleu) au duel avec Clément Lenglet (à droite).

La grande boucle

Direction l’ESTAC Troyes et le Grand Est, pour une nouvelle aventure, dans un autre club de Ligue 2. Malheureusement pour Jan Kaye, tout ne s’y passe pas aussi bien qu’en Savoie. “J’ai dû faire cinq matches avec l’ESTAC, en comptant les entrées“, raconte l’actuel buteur de Compesières. Un bilan bien maigre, qui s’explique par plusieurs facteurs, dont une relation compliquée avec le coach de l’époque. “Mais le premier responsable, c’est moi. Il ne faut pas se trouver des excuses“, déclare-t-il, lucide.

S’en suit une série de prêts, à Grenoble (troisième division) puis Andrézieux (quatrième division). Et des matches avec la réserves de l’ESTAC : “Ma dernière saison à Troyes, avec la réserve, je finis meilleur buteur et meilleur passeur, en N3 (ndlr : cinquième division). J’avais plusieurs touches, plusieurs clubs devaient venir me voir jouer.” Jan Kaye semble alors se relancer, mais là encore, rien ne se passe comme prévu : “Je me prends un carton rouge et cinq matches de suspension. Du coup, aucun club n’a pu venir m’observer. Je me suis donc retrouvé à signer à Saint-Malo, en N2 (ndlr : quatrième division).” Un nouvelle destination, et une nouvelle relation compliquée avec son coach.

Début 2020, Jan Kaye s’engage finalement à Grand-Synthe, pour la dernière étape de ce tour de France. Il y passera deux saisons et demi, oscillant entre la cinquième et la sixième division française, entrecoupées par la pandémie. “Donc on en vient à l’année dernière. On fait une grosse saison mais on finit troisième : on ne monte pas. Du coup, j’ai décidé de partir de Grande-Synthe, même s’ils voulaient absolument me garder“, détaille le Genevois d’origine.

“Si j’avais pu continuer en tant que professionnel, je l’aurais fait”

Jan Kaye reviens alors aux sources, à Genève. “Je voulais revenir dans la région, revoir la famille. Le nord m’avait un peu saoulé“, lance-t-il. Le football professionnel aussi ? “Non, il n’y a pas forcément eu de ras-le-bol du monde pro. Si j’avais pu continuer en tant que professionnel, je l’aurais fait“, assure l’ancien attaquant de l’ETG. Même s’il sait aussi se souvenir des difficultés rencontrées sur son chemin : “C’est super dur. C’est des changements à chaque fois : les paperasses, changer d’appartement, trouver les meubles. C’est une charge en plus. Et ça ne t’aide pas forcément à te concentrer sur le football”, éclaire-t-il.

Ce retour en 3ème ligue, Jan Kaye ne le prend pas comme un échec, loin de là. “Dans tous les cas, j’ai appris, j’ai aimé ce que j’ai fait. Je suis très content de mon parcours. Il y a très peu de personnes qui peuvent vivre du foot et j’ai eu la chance de le faire“, analyse-t-il. Le buteur ne considère pour autant pas un retour vers le plus haut niveau : “Je suis quasiment certain d’avoir laissé passer le train. Après, on ne sait jamais, il peut y avoir des retournements de situation de fou dans le monde du football. Mais je ne me fais pas d’espoir à ce niveau là.” Le joueur de 26 ans déclare, serein : “Je recherche maintenant de la stabilité. Me trouver un job qui me plaît, et puis voilà.

Les retrouvailles à Compesières

Avant de se trouver un boulot, Jan Kaye s’est trouvé un club : le FC Compesières. Mais comment cet ex-joueur de Ligue 2 a-t-il atterri en 3ème ligue, la septième division du football suisse ? “J’ai mon meilleur ami qui joue à Compesières et je connaissais déjà quelques joueurs, donc ça s’est fait tout naturellement. Je me suis aussi super bien entendu avec le coach“, répond-il. Un club que notre protagoniste avait déjà connu adolescent et qui lui avait tendu les bras pendant la pandémie : “Je m’entraînais déjà un petit peu avec eux, pour garder le rythme.” À lui de rendre service au club, désormais. “Si je peux aider les jeunes à Compesières, c’est avec grand plaisir“, se réjouit Jan Kaye.

Une belle histoire, de la Ligue 2 au football des talus, si proches et si éloignés à la fois. “Après, ça reste du foot. Là, c’est du football plaisir, on ne se prend pas la tête. Mais je reste un compétiteur, donc que je perde en Ligue 2 ou en 3ème ligue, franchement, j’ai toujours la haine à la fin du match“, rigole le numéro 14 de Compesières. “Mais en soi, c’est vraiment une ambiance de potes, on se sent tous bien ensemble, et c’est ça qui m’avait manqué dans le foot“, conclut-il.

Tout le charme du football régional, qui n’a, sur certains aspects, rien à envier au monde professionnel. Et Jan Kaye en sait quelque chose.

Photo de couverture : Antoine Andreani

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