Renens, Morges et désormais Champvent. Trois clubs vaudois ont été contraints de disputer l’ensemble de leurs rencontres à l’extérieur, faute d’infrastructures disponibles. Une situation lourde de conséquences sur la logistique, les résultats, les finances et même le recrutement.
Renens vit actuellement cette situation, Morges l’a traversée la saison passée et Champvent s’apprête à y faire face pour un an et demi. Chaque club a dû composer avec des contraintes lourdes. À Champvent, les vestiaires et la buvette ont été démolis afin de laisser place à une nouvelle salle de gym de plusieurs millions, qui intégrera à terme de nouveaux vestiaires et un espace convivial. À Renens, c’est un chantier complet : rénovation du terrain synthétique, du principal, de la buvette et des vestiaires. Un projet qui immobilise tout le site. À Morges, enfin, ce sont des inondations qui ont forcé les autorités à fermer deux terrains et à rénover les vestiaires du Parc des Sports. Trois contextes bien différents, mais un même constat : jouer loin de ses bases n’a rien d’anodin.

La pose d’un nouveau terrain synthétique est une grande satisfaction pour le FC Renens.
Ennuis logistiques
Chez les Nord-Vaudois, le déménagement est tout frais. Ce samedi 4 octobre, ils ont disputé leur premier match « à domicile » à Baulmes. Un franc succès pour une première, avec une victoire 8-0 contre Azzurri Yverdon. Mais une nouveauté qui suscite déjà de nombreuses inquiétudes. « C’est tout nouveau pour nous. Honnêtement, on se pose plein de questions pratiques », a expliqué l’entraîneur Marco Malgioglio. « Qui va aller chercher les clés, comment va-t-on stocker notre matériel ? Comment va-t-on gérer la buvette alors que ce n’est pas chez nous ? On arrive sur un terrain censé être le nôtre mais qui ne le sera pas vraiment. Normalement, jouer à domicile c’est du confort, là ça devient presque une contrainte. Malheureusement, on n’a pas le choix, on doit faire avec ».

A Champvent les travaux visant à construire un centre sportif flambant neuf viennent de débuter.
Les entraînements sont tout aussi perturbés. Coupure d’électricité au stade, séances délocalisées à Épendes, tentative à Rances annulée à cause de la météo, voire entraînements écourtés à Champvent… dans le noir. « On a dû bricoler, parfois réduire la durée, parfois se déplacer », a-t-il ajouté. « Ça perturbe la préparation et ça joue forcément sur l’état d’esprit des joueurs ».
Côté Renens, le quotidien a aussi été compliqué. « On s’entraîne sur le terrain C, un annexe plus bas. Le souci, c’est que de temps en temps il était fermé, et dans ce cas-là… pas d’entraînement de la semaine », a témoigné le coach Berisha. « Quand tu essaies de construire quelque chose de solide avec une nouvelle équipe et que tu n’as pas de continuité, c’est frustrant. Tu fais de ton mieux mais tu sais que tu pars avec un handicap ».

Les entraînements du FC Renens sont délocalisés sur le terrain C.
Les Morgiens, eux, avaient dû composer avec une flexibilité permanente. « On a dû naviguer, aller à Saint-Prex, à Étoy, parfois changer au dernier moment », nous a expliqué Jordane Stark, entraîneur-joueur. « Le côté positif, c’est que beaucoup de clubs voisins nous ont donné un coup de main pour trouver une place, et ça a montré une belle solidarité. Mais ça restait contraignant, on n’avait jamais vraiment de stabilité. On savait qu’on allait devoir improviser chaque semaine ».
Résultats en déséquilibre
Les coéquipiers de Jordane Stark en avaient payé le prix fort la saison dernière. « À domicile, on a notre Kop, nos supporters, et ça change tout », a -t-il reconnu « C’est une énergie incroyable, ça pousse les joueurs à se dépasser. Quand tu perds ça, tu perds une part de ton identité. Après deux belles saisons, ça nous a clairement coupé les jambes. L’équipe avait perdu cette énergie de famille, et ça s’est ressenti dans les résultats. Franchement, ça a pesé plus qu’on ne l’aurait imaginé ».
Les Lausannois, eux, n’ont pas non plus été à la hauteur de leurs ambitions. Mais pour Berisha, inutile de tout mettre sur le compte des infrastructures. « On a eu énormément de mouvements depuis la relégation. Beaucoup de jeunes joueurs sont arrivés, certains qui jouaient peu ailleurs. Ça prend du temps, il faut les intégrer, leur donner de l’expérience », a-t-il prévenu. « Alors oui, ne pas avoir de vrai domicile, ça n’aide pas, mais pour moi ce n’est pas l’unique problème. Dans le foot, si tu veux viser haut, tu dois être bon partout : à domicile comme à l’extérieur. Et aujourd’hui, il y a moins de stades bouillants qu’avant, ça compte aussi. Mais attention, au printemps 2026 on sera tout le tour à domicile. Ça peut être un atout énorme, mais ça peut aussi se retourner contre nous si on ne répond pas présent ». Le club s’unit pour remercier chaleureusement la commune de Renens pour son implication dans tout le projet.

Le FC Renens pourra à nouveau jouer ses matchs à domicile au printemps 2026.
Chez les Nord-Vaudois, l’aventure ne fait que commencer, mais Malgioglio anticipe déjà la difficulté.
« Le plus dur, c’est de faire sans nos repères », a-t-il admis. « Dans le football, les routines, les habitudes, le fait d’arriver dans ton vestiaire, de sentir ton terrain… ça compte énormément. Mais d’un autre côté, je sens que ça resserre les liens. Les joueurs discutent plus, s’impliquent davantage. Ça peut renforcer le groupe. Alors oui, ce sera différent, mais je suis convaincu qu’on trouvera les ressources pour faire le boulot ».

Le coach, Marco Malgioglio anticipe déjà le manque de repères qu’aura son équipe en jouant hors de ses bases.
Recettes en chute libre
Pour Champvent, la disparition de la buvette pendant plusieurs mois est un vrai manque à gagner. « Pour un club de village, la buvette c’est vital. C’est l’entrée principale d’argent, plus encore que les cotisations », a reconnu Malgioglio. « Le problème, c’est que nos fidèles sont plutôt âgés. Ils ont leurs habitudes, ils aiment venir au terrain du village. Là, rien ne garantit qu’ils feront le déplacement jusqu’à Baulmes. Forcément, ça aura un impact sur nos finances ».

La disparition des recettes liées à la buvette est un problème majeur pour le club nord-vaudois.
Côté Renens, les pertes avaient été anticipées. « C’est clair qu’il n’y a pas eu d’entrées d’argent, mais on s’y attendait », a déclaré Hime Berisha « Tout le monde doit tirer à la même corde dans ces moments-là. On va compenser au deuxième tour quand on rejouera plus souvent à domicile ».

Hime Berisha est convaincu que son équipe saura s’en sortir dans une saison particulière, tant sur le plan logistique que sportif.
Les Morgiens, habitués à évoluer devant l’un des plus gros publics du canton, ont aussi senti la différence.
« Au Parc des Sports, il y a toujours beaucoup de monde, c’est une vraie force pour nous », a expliqué Stark «Oui, on a perdu pas mal de recettes. On a essayé de compenser au deuxième tour mais tu ne rattrapes jamais totalement. L’argent que tu ne prends pas un week-end, tu ne le reverras pas. Ça nous a mis un petit coup, même si ça n’a pas remis en cause la survie du club».
Le défi du recrutement
Chez les Lausannois, cette circonstance atténuante a compliqué le recrutement. « Renens ne fait plus rêver comme avant, il faut être honnête. Même en 3e ligue, les joueurs demandent de l’argent », a expliqué Hime Berisha. « Avec notre situation, on ne pouvait pas se permettre de recruter comme on l’aurait voulu. On a choisi de miser sur des jeunes de la région, pour reconstruire sur la durée. Mais ça rend le court terme plus compliqué. Mais l’arrivée de Pierro Pastore comme vice-président et Luca Scalisi dans le comité nous donne une nouvelle dynamique. Je suis persuadé qu’on va se relever et retrouver de la stabilité ».

En plus d’avoir ses infrastructures en rénovation, le FC Renens doit vivre avec la réalité sportiver qui est la sienne aujourd’hui.
Les Morgiens, eux, gardaient des arguments de taille. « Morges, ça reste un club qui a un nom, une réputation. Le Kop et l’ambiance, ça attire », a assuré Jordane Stark « Les intendants font un travail énorme, le groupe a du confort, et ça rassure les joueurs. Même avec cette saison bizarre, je n’ai pas senti de problèmes pour attirer ou garder du monde ».
Du côté de Champvent, les craintes portent déjà sur l’hiver. « Déjà que notre localisation n’aide pas, on sait que c’est compliqué de faire venir des joueurs », a admis Malgioglio. « Alors sans installations fixes, ça devient encore plus difficile de vendre le projet. On ne peut pas mentir aux joueurs, on sait que ça va nous compliquer la tâche ».

Privé de la possibilité de jouer sur son terrain du Bâtoir, le FC Champvent se prépare à rencontrer des problèmes sur le plan du recrutement.
Perdre son jardin pour mieux renaître
Perdre son jardin n’est jamais simple. Cela bouscule des habitudes, des repères et des finances. Mais ces passages obligés forgent aussi une identité et, surtout, permettent ensuite de retrouver des infrastructures modernisées, parfois dignes de clubs semi-professionnels.
Pour Morges, Renens ou Champvent, cette étape restera marquante dans leur histoire. Un moment difficile, mais aussi une chance de repartir plus fort à long terme.