FC Le Mont, la renaissance d’un club familial

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Passé de la Challenge League à la 4e ligue à l’été 2017, le FC Le Mont a changé de dimension du jour au lendemain. Aujourd’hui en 3e ligue, le club de la banlieue lausannoise a pu se reconstruire grâce à ses fidèles.

Evoquer le FC Le Mont, c’est se souvenir de quelques années en Challenge League et notamment d’un parcours épique en Coupe de Suisse 2014, atteignant les quarts de finale contre Bâle au Parc Saint-Jacques, après avoir sorti Young Boys en 1/8. C’était les années fastes. Parce que ces deux passages au deuxième échelon national (2009-2010 et 2014-2017) représentent une exception pour ce club du Mont-sur-Lausanne, une commune de près de dix mille âmes dans la banlieue lausannoise. Aujourd’hui, le club est au septième échelon, soit la 3e ligue vaudoise.

L’ère Duperret, 20 années d’exception

La 3e ligue justement, c’est dans cette catégorie que tout avait commencé en 1998. On ne peut pas parler de l’histoire récente du FC Le Mont sans évoquer la figure de Serge Duperret, personnage incontournable du football vaudois de ce dernier quart de siècle. C’est lui qui était aux commandes du club lors d’un voyage extraordinaire –un « miracle permanent », comme il l’a lui-même défini qui a duré une vingtaine d’années. De 1998 à 2017, du foot amateur au foot professionnel, de la 3e ligue à la Challenge League, du Centre Sportif du Châtaignier au Stade de la Pontaise.

Un club professionnel dans un village situé dans les hauteurs de Lausanne, cela sonne comme une utopie mais Serge Duperret l’a fait. Impossible de ne pas penser à ce fidèle supporter montain –Emmanuel– seul et unique fan officiel du club. C’est un détail, mais il en dit long sur le décalage entre le monde professionnel dans lequel était l’équipe fanion et la réalité sociale du club. Cela n’a logiquement pas duré. « Il n’y a jamais vraiment eu de lien avec le village, nous confie Alexandre Veuthey, qui y a joué en 2014. La première équipe était une entité en soi. Par exemple, lors du match de promotion en Challenge League, il n’y avait que 250 spectateurs. Mais on était une équipe de potes super compétitive, avec de sacrés joueurs. “Dup” était l’image du club, il portait tout sur ses épaules. Les défaites l’affectaient énormément. Il ne se rappelait pas forcément du prénom de tous les joueurs, mais quand tu faisais un mauvais match, il ne te ratait pas (rires). Mais quand tu étais bon, il te le montrait aussi ».

La barre était trop haute. En 2017, la Swiss Football League refuse la licence pour des raisons économiques. Serge Duperret ne luttera pas et acceptera le sort de l’équipe, qui ne sera même pas rétrogradée en Promotion League par manque de budget, mais carrément en 4e ligue. Était-ce vraiment une surprise ? Pas vraiment, même s’il est plus facile d’y répondre aujourd’hui avec du recul.

Duperret, deuxième depuis la gauche, avec le président actuel et quelques élus locaux lors du 80e anniversaire du club en 2022. (Photo : fclemont.ch)

Une transition réussie grâce aux fidèles

Jean-Luc Laedermann, actuel président du club, était membre du comité qui a succédé à l’ère Duperret. Il a dû prendre la relève de son prédécesseur Antonio Turiel, un fidèle du club depuis 1983, qui a dû se retirer en raison de problèmes de santé : « En tant qu’habitant du Mont et ancien junior du club, intégrer le comité était une suite logique. Ce n’était pas prévu de prendre la présidence, mais aujourd’hui cela va faire quatre ans déjà et je prends beaucoup de plaisir ».

Si le club a pu repartir, même en 4e ligue, c’est parce qu’il a été laissé financièrement sain par Serge Duperret. Cela l’honore, pas tous dirigeants ne l’auraient fait. « Il a assumé ses envies de grandeur jusqu’au bout et a honoré toutes ses factures en souffrance. Il a vraiment été top de ce côté-là », poursuit Laedermann.

Il y a tout de même aussi eu quelques dégâts collatéraux. Avec la relégation du Mont en 4e ligue en 2017, la deuxième équipe du club a dû être rétrogradée en 5e ligue, décision difficile à digérer à l’époque : « On s’est fait reléguer sans raison, cela a été mal vécu », nous confie Azam Kazmi, au club sans interruption depuis l’école de foot et aujourd’hui joueur de la deuxième équipe, de retour en 4e ligue. Mais il ne retient pas que du négatif : « Même s’il y avait un monde d’écart entre les professionnels de l’époque et nous, il y a quand même eu des bénéfices des années de professionnalisation du club, notamment au niveau de l’investissement dans les infrastructures ». En effet, en 2019, la commune du Mont a pu inaugurer un nouveau terrain synthétique et des nouveaux vestiaires, « ce qui est assez pratique à 750 mètres de hauteur. Avant, c’était impossible de s’entraîner avant fin février ».

Jean-Luc Laedermann (Photo: fclemont.ch)

Un changement de dimension

Comment repartir quand on dégringole de six catégories ? Au niveau administratif, grâce au gros travail de bénévoles de longue date, qui se sont investis sans compter. Au niveau sportif, en développant la section junior et en repartant avec des joueurs de la région, qui ont remplacé les Matt Moussilou, Daniel Gygax, Fabrizio Zambrella ou encore Cabral. « La base d’un club, ce sont ses juniors et ses éducateurs, nous confirme le président Laedermann. Il faut élargir la base pyramidale, qui puisse alimenter les équipes d’actifs, que ce soit la première ou la deuxième ».

Aujourd’hui, le FC Le Mont, ce sont 362 juniors –il y a même une liste d’attente– et 115 actifs. La proportion pyramidale est bel et bien respectée, il y a deux équipes par catégorie A-B-C, mais surtout, contrairement à il y a quelques années, les perspectives de rejoindre l’équipe fanion ne sont pas irréalistes. « Les jeunes peuvent aspirer à jouer en première équipe, se réjouit le président. Avant, il y avait une équipe hors-sol, composée à 100% de joueurs payés qui n’étaient pas du coin. Le saut entre nos juniors et la Promotion League ou la Challenge League était trop grand. »

Pour donner la chance à ses jeunes, Le Mont a misé sur Enildo Pinto, aujourd’hui à la tête de la Une. « Avec Enildo, nous visons le long terme. Il s’implique beaucoup pour le club. Sa motivation, c’est de faire progresser les jeunes », détaille son président. L’entraîneur angolais, passé par Veyron-Venoge (avec qui il a connu une promotion) et Saint-Sulpice, connaissait bien entendu le contexte du club qu’il a rejoint à l’été 2022 : « Bien sûr, tout le monde connaît le bagage historique du Mont et les années en Challenge League. C’est un club avec des infrastructures incroyables ».

Lui aussi estime qu’il faut des bases solides pour la pérennité d’un projet : « Avant, Le Mont c’était un président qui mettait de l’argent pour la première équipe. Aujourd’hui, nous voulons en faire un club structuré avec des bases solides et grimper les échelons petit à petit. Nous ne payons pas les joueurs et intégrons un maximum de jeunes de la région. Je pense que le club a les conditions pour évoluer en 2e ligue inter, mais il faut y aller par étapes ».

Le FC Le Mont, c’est plus de 360 juniors (Photo: FC Le Mont, Facebook)

Le retour à un club familial

Les étapes justement, c’est d’abord une montée en 2e ligue. Actuellement, l’équipe est deuxième du groupe 4 de 3e ligue, donc entièrement dans le coup pour les finales. « Il y a deux championnats différents en Suisse, où la pause hivernale est plus longue que l’estivale, observe Enilldo Pinto. Nous sommes actuellement deuxièmes. En était réalistes, les deux meilleures équipes du groupe sont Champvent, premier, et Assens, troisième. Nous, nous sommes la surprise, et notre objectif est de continuer à l’être. Je suis un coach ambitieux, bien entendu que je veux aller en 2e ligue, mais le projet continuera même si on ne décroche pas les finales ». Même son de cloche chez son président : « A titre personnel, pour avoir joué dans cette catégorie, je pense qu’on a notre place en 2e ligue. Avec le comité, nous aspirons à monter dans les 3-4 ans. Si nous finissons deuxièmes et nous perdons les finales, il n’y a rien de dramatique. L’important, c’est de s’améliorer d’année en année ».

A un mois de la reprise du championnat sur le terrain du FC Echandens, la prudence reste de mise pour Enildo Pinto : « L’année dernière, nous étions également deuxièmes à la trêve et nous avons fini quatrièmes. Ne commettons pas les mêmes erreurs ».

Au-delà des résultats à court terme, il y a cette impression que le FC Le Mont a retrouvé ses valeurs d’antan, plus familiales, à l’image de son 80e anniversaire célébré en 2022 aux côtés de son ancien capitaine de navire, Serge Duperret, passé entre temps par Yverdon et le SLO. « Le club a vécu une parenthèse de 20 ans, ambitieuse, mais la marche était trop haute, conclut Jean-Luc Laedermann. Cette épopée a éloigné certains fidèles qui reviennent petit à petit. Maintenant, les parents viennent voir les matchs. Nous redevenons un club familial ». N’est-ce pas là l’essence même du football amateur ?

 

Photo de couverture: FC Le Mont (Facebook)

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