Parti de Lausanne il y a cinq ans pour tenter sa chance aux USA, le Vaudois a doublement réussi son pari, avec deux diplômes et un contrat professionnel en poche. A une semaine de la reprise du championnat, son équipe de Greenville Triumph vise le titre. Portrait.
Né à Lausanne en 1999 d’un père sénégalais et d’une mère suisse-écossaise, Lyam Mackinnon Diouf a débuté le football à l’ES Malley, où il a joué pendant cinq ans aux côtés d’un certain Josias Lukembila, aujourd’hui au Paris FC. Il côtoiera aussi d’autres futurs professionnels au FC Lausanne-Sport, qu’il rejoint en M14, puis de nouveau de M17 à M21, après un passage de deux ans au Stade Lausanne: Cameron Puertas, Andi Zeqiri ou Dan Ndoye pour ne citer qu’eux. Mais alors que ces derniers évoluent dans le football européen, Lyam Mackinnon a décidé de traverser l’Atlantique.
Allier sport et études
C’est en 2019 que cet ailier de formation décide de tenter sa chance à l’étranger. Même s’il s’est toujours fixé comme objectif de devenir footballeur professionnel, il n’a pas laissé tomber les études pour autant. Il a tenté d’assimiler les deux en Suisse, mais il n’aura tenu le rythme qu’un semestre. L’intéressé détaille: « J’étais à HEC Lausanne en même temps qu’avec les M21, c’était assez dur de faire les deux, je ratais pas mal de cours. Donc soit j’arrêtais les études et je continuais le foot, soit je tentais ma chance aux Etats-Unis. J’avais reçu des offres de plusieurs universités, et je voulais sortir de ma zone de confort ».
Autre facteur qui a motivé sa décision de quitter les M21 d’Ilija Borenovic: les portes fermées, en tout cas sur le court terme, de la première équipe du LS. Il détaille: « Il y avait une génération talentueuse dans cette équipe de M21. J’étais confiant sur le long terme sur le fait de devenir professionnel, mais à ce moment précis, je n’étais pas encore prêt. J’avais besoin de temps pour me développer, et le temps est un luxe que l’on ne peut pas toujours avoir dans un schéma de formation comme Lausanne ».
Direction les Etats-Unis donc, où sport et études font meilleur ménage qu’en Europe. Le Vaudois obtient une bourse à l’Université de Villanova, en Pennsylvanie, et intègre l’équipe universitaire des Wildcats. Sachant pertinemment que, contrairement à l’Europe, le soccer ne fait pas partie des sports les plus suivis en comparaison du baseball, basket, football américain ou hockey: « C’est clair qu’il y a des sports qui sont devant le football aux USA, mais l’engouement autour du sport en général est très fort », nuance-t-il.
Du foot universitaire à la draft
A Villanova, l’étudiant en économie et science politique découvre l’engouement des Américains pour les sports universitaires. Mais son objectif est clair dès le départ: « Pour moi, la priorité était de réussir dans le foot. Si pendant mes trois années à Villanova j’avais eu l’opportunité de signer un contrat professionnel, je l’aurais saisie. Je voulais quand même entre temps accumuler des crédits pour avoir un bachelor, mais je ne cache pas que mon objectif était de me faire drafter. J’étais dans cet état d’esprit, et le sacrifice d’être loin de ma famille m’a permis de me focaliser dessus ».
Objectif doublement réussi en 2022 avec deux diplômes en poche et une sélection dans la draft (à la 84e place) par Nashville SC, équipe de MLS, après trois bonnes saisons universitaires à Villanova qui lui ont valu quelques nominations. « J’avais eu quelques échos comme quoi j’avais des chances d’être drafté, se rappelle-t-il, mais la draft est quelque chose de très volatile qui se décide le jour même, donc il n’y avait rien de certain. Finalement, j’étais très content d’être pris à Nashville. C’était une belle manière de finir mes trois années de football universitaire ».
Être drafté n’est de loin pas un accomplissement, mais plutôt le début du processus: le Vaudois est intégré au groupe en tant que stagiaire, mais sans contrat professionnel pour autant. « J’étais dans une équipe avec de très bons joueurs, détaille-t-il, la MLS a beaucoup progressé ces dernières années. Je m’y sentais bien, il y avait beaucoup de qualité aux entraînements ». Il fait toute la préparation mais n’est finalement pas retenu pour la saison régulière 2023: « Je savais que la règle des sept étrangers par équipe allait me pénaliser, où que j’aille. A Nashville, on était plus de sept, certains déjà sous contrat. J’ai joué le coup à fond et je n’ai pas de regrets ».
Deux records en un match
L’attente n’aura pas été longue. Quelques semaines après, il se voit finalement proposer un contrat professionnel, le Graal tant attendu, par Greenville Triumph, équipe d’USL League One, la troisième division. Pour sa première saison, il joue 28 matchs et délivre de belles statistiques en jouant ailier (7 buts, 4 assists). « J’ai pris énormément de plaisir, se réjouit l’attaquant, je pense que j’ai progressé sur plusieurs aspects de mon jeu. Pour ma première année en professionnel, mon but était d’apprendre et étoffer mes qualités. J’espère m’en inspirer pour faire mieux cette année ».
L’explosif ailier a même battu deux records en League One lors d’une victoire 5-1 contre Chattanooga Red Wolves: celui du hat-trick le plus rapide de la ligue –trois buts entre la 9e et la 22e minute– et celui du premier joueur à marquer quatre buts dans un match. C’était le 22 juin 2023. « C’est ce genre de match où il y a tout qui marche, tout qui rentre, rigole-t-il. Le premier but par exemple, c’est une reprise de volée sur corner qu’on avait travaillée à l’entraînement. C’était un des meilleurs matchs de ma vie, une expérience incroyable ».
Vivre une expérience incroyable, on ne saura jamais si cela aurait été possible en restant dans sa zone de confort, en Suisse. Avec la maturité d’un trentenaire, Lyam Mackinnon, du haut de ses 24 ans, ne regrette rien. Il se verrait bien revenir en Suisse un jour, mais tenter une aventure à l’étranger est une expérience qu’il recommande. Pas à n’importe quel prix cependant: « Pour avoir déjà eu cette conversation avec certains joueurs suisses qui m’ont posé la question, je dis toujours qu’avant de faire un choix, il faut que cela se fasse naturellement. Il faut être prêt à quitter sa zone de confort. Dans mon cas, j’avais un pressentiment que cela allait marcher. Il ne faut pas le faire à contre-cœur, parce que cela peut être compliqué d’être loin de la famille et des amis. Moi ce qui m’a aidé, c’est mon objectif en tête qui était ma ligne directrice. Est-ce que je le conseillerais à n’importe qui ? Non. Mais si quelqu’un sent l’envie d’aller à l’étranger, c’est que c’est le moment. Il y a une part d’inexplicable mais il faut parfois faire confiance à son instinct ».
La League One comme tremplin
A l’aube de la reprise de la saison régulière, il y a dans cette ville de Caroline du Sud une certaine ferveur pour Greenville Triumph, champion en 2020 et finaliste en 2021: « Nous avons 2000-3000 spectateurs par match, parfois ça peut monter jusqu’à 6000. La plupart sont des Sud-Américains, qui amènent une ferveur que j’aime beaucoup. J’ai été très agréablement surpris par l’engouement pour une troisième division aux Etats-Unis ».
Défait en quarts de finale des playoffs l’année dernière, Greenville Triumph part avec des ambitions pour la saison 2024, qui démarre le 9 mars contre Spokane Velocity: « Nous visons le titre, lance l’ambitieux attaquant. On est une équipe qui a un palmarès dans ce championnat, qui joue toujours premiers rôles. Après, on ne sait jamais ce que vont donner les play-offs mais il faut en tout cas se qualifier ». Pour ce faire, il faudra finir dans le top 6.
Le système de ligue fermée empêchant la montée en seconde division en cas d’éventuel titre de champion, c’est en tapant dans l’oeil d’autres clubs que le Lausannois peut aspirer à grimper les échelons. Lui-même ne cache pas qu’il voit cette expérience en League One comme un tremplin vers des ligues supérieures: « Mon but est de faire le maximum chaque saison pour être plus haut la saison d’après. J’ai 24 ans, j’ai encore beaucoup d’années devant moi pour grimper. J’ai toujours été quelqu’un qui arrive là où il a envie sur le long terme. Quand, à Lausanne M21, je voyais des coéquipiers signer des contrats professionnels, je savais que je n’avais pas peur de prendre le temps et de continuer à travailler de mon côté ».
La préparation est en train de toucher à sa fin et Lyam Mackinnon s’apprête désormais à commencer un marathon sans pause, de mars à novembre, pour la saison du football. Le baseball suivra en avril, le football américain en septembre, puis le hockey et le basket en octobre. Il y en aura pour tous les goûts. C’est ça, l’Amérique.
Fastest hat trick ✅
Most goals in a single game ✅
Week 15 POTW ✅Lyam MacKinnon earned his second Player of the Week honor after his record-breaking performance on Wednesday! Leo Castro also made an appearance on Week 15’s TOTW!
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— Greenville Triumph SC (@GVLTriumph) June 27, 2023
Photo de couverture: villanova.com