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À vous la parole : Juan Rodriguez

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Chaque semaine, une personnalité du football vaudois nous livre son point de vue sur une thématique de son choix. Juan Rodriguez, actuel entraîneur du Team Ouest Lausanne en Youth League C, nous parle de l’évolution du football au fil du temps.

Juan Rodriguez possède l’un des CV les plus solides du football vaudois. Formé à l’Olympique de Marseille puis passé par Baulmes, Le Mont et Yverdon, il a accumulé une expérience considérable. Comme entraîneur, il a dirigé Malley, Yverdon II, Espagnol Lausanne et Vevey, avant de prendre les rênes du Team Ouest Lausanne, actuel champion d’automne en Youth League C.

Partout où il est passé, ou presque, ses équipes ont joué le haut du tableau. Entre sa carrière de joueur et celle de coach, il a observé l’évolution du football et les transformations qu’il a connues. Il nous a expliqué les principales différences qu’il a constatées au fil du temps.

Le niveau a-t-il réellement régressé ?

Dans les milieux amateurs comme professionnels, on entend souvent que « le foot a régressé », et que le jeu serait plus direct, plus rapide et moins technique. Juan Rodriguez nuance cette idée.

« À mon époque, le football allait déjà très vite. Je ne pense pas que la vitesse soit un facteur qui a énormément changé avec le temps. Le jeu était déjà intense, rythmé, et les transitions se faisaient rapidement. Par contre, il y avait beaucoup plus de joueurs qui, en termes de qualité technique, étaient meilleurs », a-t-il analysé. « On trouvait davantage de profils capables de faire la différence balle au pied, de garder le ballon sous pression ou de créer quelque chose sur une simple touche. Aujourd’hui, les ligues se sont énormément affaiblies, à quasiment tous les niveaux. Le niveau général s’est dilué, et on ressent moins cette densité de joueurs techniquement complets que l’on pouvait rencontrer auparavant ».

Selon lui, la modernisation du jeu n’a pas compensé la perte globale de qualité technique.

Selon Juan Rodriguez, les profils capables de faire la différence individuellement se sont faits de plus en plus rares.

Entre espoir et réalité

En Suisse, la formation représente, selon Rodriguez, l’un des plus grands points positifs du football actuel. Les jeunes sont mieux encadrés, mieux entraînés et exposés à une méthodologie plus complète qu’autrefois. Pourtant, la transition vers les actifs reste très compliquée. « Dans nos plus hautes ligues, il y a 12 et 10 équipes. Les coachs ont tendance à moins faire jouer ces jeunes, par peur de se retrouver vite dans une situation compliquée pendant la saison », a-t-il déclaré. « À cause de cela, ces jeunes terminent dans des équipes de ligue inférieure, où la progression va être beaucoup plus compliquée ».

Les clubs privilégient la sécurité à court terme, au détriment de la progression individuelle. « On donne peu de chance aux jeunes qui sont le futur de ce football. Il faudrait peut-être un championnat M21 style Promotion League, qui permettrait aux joueurs d’évoluer à un niveau raisonnable. La transition serait beaucoup plus facile », a-t-il ajouté.

Pour lui, la gestion actuelle prive trop de jeunes talents d’une trajectoire logique. « C’est dommage de voir un jeune avec une trajectoire prédestinée être stoppé parce que les dirigeants préfèrent faire jouer un tel par intérêt, alors qu’un autre est moins bon qu’un petit jeune », a-t-il regretté.

Quand le mérite passe au second plan

Un thème que Juan n’a pas hésité à aborder : le copinage, phénomène bien réel selon lui dans le football d’aujourd’hui. « Un joueur X va jouer parce qu’il est copain avec le coach, ou parce qu’il y a un intérêt financier entre les deux parties. Quand j’étais joueur, ça n’a pas été un souci car on m’avait informé », a-t-il précisé. «Arrivé en Suisse, on m’avait expliqué qu’il fallait être quatre fois plus fort que les joueurs locaux pour espérer jouer», a-t-il précisé.

Mais c’est en tant que coach, et même en tant que père, qu’il a réellement observé ce problème. « On m’a imposé de faire jouer un tel par intérêt. Je me suis pris la tête plusieurs fois avec certaines personnes, et pourtant ce sont des gens que j’adore au quotidien », nous a-t-il raconté. « Mais ça crée forcément des tensions, parce que derrière, t’as un jeune qui travaille bien, qui est bon, mais qui ne joue pas alors qu’il le mériterait. Tu le coupes un peu dans son élan, dans sa progression. Et au final, même le coach ne peut plus vraiment travailler comme il le voudrait ».

L’ancien entraîneur assistant de la Une de Vevey-Sports dénonce particulièrement le phénomène du copinage.

Il insiste sur le manque de récompense envers le travail. « J’ai une devise que je répète souvent à mes joueurs : entraîne-toi dur, tu joueras facilement ! J’ai toujours aimé et récompensé le travail acharné. Sur ces six dernières années, la preuve, ça a toujours marché, sauf l’année dernière où j’ai été vice-champion », a-t-il décrit. « C’est la preuve que la rigueur et le travail, ça paye. Et c’est ce qui manque beaucoup dans ce nouveau football ».

La génération zappante : un football moins passionné

Ces dernières années, de nombreuses personnes ont constaté une baisse de l’intérêt pur pour le football. Rodriguez partage ce point de vue : les terrains sont moins remplis, les jeunes se retrouvent moins souvent pour jouer spontanément et les distractions sont plus nombreuses.

« Aujourd’hui, les jeunes, ils ont tout servi sur un plateau d’or. Beaucoup plus d’échappatoires au quotidien, ce qui était moins le cas avant », a-t-il regretté. « Ça fait vieux jeu de dire ça, mais maintenant y’a la PlayStation, y’a les boîtes de nuit, y’a l’anniversaire de mon pote… C’est plus facile de s’exposer, avec une voiture de location, c’est classe d’aller faire des photos à Genève ou de fumer la chicha. Tout ça leur donne mille autres choses à faire avant de penser au terrain. Et forcément, quand t’as autant de distractions autour de toi, la passion passe un peu au second plan ».

Selon lui, la passion a diminué. « On dirait qu’ils viennent pour passer du temps entre potes, mais pas réellement pour se dépenser et progresser. À l’époque, on faisait des brésiliennes toute la journée pour s’occuper, aujourd’hui tout ça est fini  ».

L’ère de l’hyper-visionnage : un football plus tactique et exposé

L’arrivée des réseaux sociaux a transformé le jeu et la manière dont les joueurs apprennent. Les vidéos, analyses tactiques, extraits de matchs et contenus spécialisés circulent partout, influençant leur compréhension du football. Les jeunes sont désormais exposés à beaucoup plus d’informations qu’avant, tant sur le plan technique que tactique, ce qui modifie leur progression.

« Aujourd’hui, un joueur est exposé comme si c’était Neymar. Il a la possibilité d’avoir des photos, des vidéos, des interviews, des articles », a-t-il souri. « Il y a les caméras VO, les pages Instagram des clubs… C’est plus simple de se faire repérer, de constater ses erreurs et de s’améliorer. Et en même temps, tout ce que tu fais est visible : ton bon match, ton mauvais match, ton attitude… Tout se retrouve quelque part. Et puis, avec toutes ces images, les joueurs ont aussi beaucoup plus d’outils pour analyser des phases de jeu, comprendre des situations tactiques ou revoir leurs mouvements. Ça existait déjà avant, mais il y en avait beaucoup moins. À notre époque, pour avoir un article dans un journal, il fallait vraiment un événement particulier… alors qu’aujourd’hui, toutes les équipes ou presque ont une présence médiatique quasi chaque semaine, à tous les niveaux ».

Selon Rodriguez, les réseaux-sociaux et la sur-médiatisation dessert le football moderne. @yann_picture

Un regard franc sur l’avenir du football vaudois

Au fil de notre échange, Juan Rodriguez a dressé un constat lucide : le football a changé, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. La formation s’est améliorée, les moyens technologiques ont explosé, mais la passion s’est érodée, les ligues se sont affaiblies et la méritocratie s’est brouillée.

Coach expérimenté, il continue pourtant de défendre une vision simple : le travail, la rigueur et la confiance accordée aux joueurs doivent redevenir les piliers du football vaudois. Son discours reste fort, sincère et fidèle à l’homme qu’il a toujours été.

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