À Perly, la défense est la meilleure des attaques

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Une seule défaite, seulement six buts encaissés (dont deux penaltys) et une place sur le podium. Perly a réalisé un premier tour des plus sérieux. À la baguette, le tacticien Mattia Petrini, en place depuis maintenant deux ans et demi. Son équipe vise la montée, et elle est en lice pour battre le record du plus petit nombre de buts encaissés. Entretien.

Perly a terminé son premier tour à la troisième marche du podium, à une longueur du leader Versoix. Le bilan comptable est plus qu’honorable, avec une défaite et seulement six buts encaissés. Il semble que cela soit l’année de la renaissance pour les Perlysiens. Après douze ans en 2ème ligue interrégionale, la formation perlysienne avait finalement été reléguée en 2018. Pour leur retour dans l’élite genevoise, les hommes de Petrini avaient alors terminé le championnat à la moitié de tableau et ont gagné la Coupe genevoise. Cette année, ils vont aller chercher le titre en 2ème ligue, en misant sur une défense en béton. Avec, pourquoi pas, un record du plus petit nombre de buts encaissés depuis vingt ans. Entretien avec l’entraîneur tessinois Mattia Petrini, à la tête de l’équipe depuis juin 2017.

Proxifoot : Classé troisième, Perly a fait un début de saison sérieux, avec notamment une seule défaite à son actif. En tant qu’entraîneur, quel bilan tires-tu de ce premier tour ?
Mattia Petrini : Je suis bien évidemment satisfait. Plus qu’être sur le podium, nous sommes surtout seulement à un point des leaders. Concernant le bilan comptable, nous sommes sur une moyenne de deux points par match, ce qui est très bien. D’autant plus que j’estime que nous n’avons pas été au maximum de nos capacités. Je suis d’avis en effet qu’on a une bonne marge de progression, notamment sur le plan offensif.

Ta formation s’est faite remarquer surtout pour son imperméabilité : six buts encaissés seulement. Et tu n’es pas à ton coup d’essai. L’an dernier déjà, tu avais terminé avec la meilleure défense du championnat (ex-aequo avec CS Italien). Quel est ton secret ?
Je remonterais encore plus loin, à la saison 2017/2018 lors de notre descente du championnat de 2ème interrégionale. Cette année-là, nous avions terminé l’exercice avec la sixième défense du championnat sur 14. Cette statistique de meilleure défense est un motif d’orgueil, d’autant que sur les six buts encaissés deux sont des penaltys. Ce qui souligne peut-être encore plus notre performance. Depuis ma prise de fonction au sein de l’équipe fanion en 2017, j’essaye d’inculquer à mes joueurs un football basé sur la possession. J’ai comme idée que plus on a le ballon, moins on devrait avoir de chances de prendre des buts. Ensuite, mon équipe applique particulièrement bien le principe de compacité sur le plan défensif. Cette idée de bloc compact, on la travaille avec certains depuis deux ans et demi, mais c’est un principe que mes joueurs avaient certainement déjà appris à maîtriser au travers de leurs parcours respectifs. Mon équipe n’a jamais pris de « fessées » en championnat, et à l’inverse elle n’en a pas mis non plus. Je pense qu’elle gère bien temps forts et temps faibles et qu’elle sait garder un certain équilibre.

L’art de la défense est-il au centre de tes entraînements ?
C’est en période de préparation que j’insiste un peu dessus. Pendant deux ou trois semaines, je privilégie les séquences défensives. Cela dit, je commence toutes mes théories d’avant-match en parlant de l’aspect défensif. Je reviens sur les principes défensifs à appliquer et sur les forces de l’adversaire de manière générale. Pour moi, c’est fondamental lorsqu’on joue un match avec trois points en jeu.

Une défaite, mais quatre matchs nuls. C’est bien plus que vos concurrents. As-tu des regrets concernant ce premier tour ?
C’est difficile de vous répondre. On sait clairement qu’on ne va pas gagner 11 matchs sur 11. Il faut savoir accepter de lâcher des points. Le but est d’en perdre le moins possible. Dans cette idée, je dirai que le match nul contre Onex (1-1) est celui qui m’a mis le plus en rogne. On aurait dû le gagner. J’étais vraiment très en colère après ce match, plus que contre à Aïre, après notre unique et seule défaite. On a raté tellement d’occasions, qu’on ne peut s’en prendre qu’à nous-même si les visiteurs ont réussi à égaliser. Ce match devait être plié à la mi-temps.

Justement, à l’inverse, vous avez de grandes difficultés offensives. Perly est actuellement la 10ème attaque du championnat. Comment expliques-tu ce manque d’efficacité ?
C’est vrai, offensivement on peut faire beaucoup mieux. Lorsque je vous parlais de marge de progression, c’est aussi à cela que je faisais allusion. En revanche, nous nous créons énormément d’occasions durant les matchs. Et cela est très encourageant. En toute honnêteté, on aurait dû inscrire une dizaine de buts de plus. Pour moi, c’est la réussite à la conclusion qui nous a fait défaut.

Pourtant, tu n’es pas à envier dans ce secteur de jeu, avec des attaquants comme Besnard ou Russo. Au final, plus qu’un manque de réussite, est-ce que c’est aussi une question de philosophie de jeu ?
Absolument pas. À aucun moment nous ne jouons le 0-0. Mon but est au contraire d’avoir la possession du ballon, quitte à prendre des risques en faisant jouer haut sur le terrain mes latéraux. Pratiquement à tous les matchs, nous sommes dominateurs en développant notre jeu dans le camp adverse. Dans ma philosophie de jeu, l’idéal serait de gagner mes matchs 2-0. Pour moi, c’est ce résultat que je recherche quand je suis dominateur. Quand je vois des 7-2, 5-3 ou encore des 6-2, ce n’est pas à quoi j’ambitionne pour mon équipe.

Petrini et Perly ont remporté la Coupe genevoise en juin dernier

Du coup, que réponds-tu à ceux qui critiquent ton jeu trop frileux ?
Que c’est faux. Mais on ne m’a jamais fait la remarque. Ce n’est pas parce qu’on ne gagne pas sur un score de tennis que nous pratiquons un football ennuyeux. Loin de là. Nous jouons tous nos matchs pour gagner. Il n’y a qu’à une seule occasion où l’on s’est satisfait du match nul, c’était contre Versoix (0-0). D’ailleurs, cette rencontre a été spectaculaire, et aurait pu balancer dans les deux sens, car nous avons aussi eu notre temps fort.

L’an dernier, tu as osé le parallèle Neymar-Mbappé pour parler de Rugovaj et Rabhi à Versoix. On peut faire pareil pour Petrini et la solidité défensive de «El Cholo» Simeone ?
Si seulement (rires). Mon but en soi est de donner une certaine rage de vaincre à mes joueurs. Je veux qu’ils haïssent la défaite. Ce sont des éléments qu’effectivement Simeone maîtrise à la perfection. Je persiste : le jeu de mon équipe est avant tout basé sur la possession, sur la mise en place tactique et non sur la contre-attaque.

De quel entraîneur t’inspires-tu ?
Cela pourra surprendre, mais j’apprécie le football pratiqué par les équipes de Guardiola et Klopp, chacune dans son style. Elles représentent bien le football moderne avec des idées qui me parlent: pressing haut, jeu de possession, mais verticalité quand il le faut, changements de rythme, haute intensité. Après, il ne faut pas se leurrer, nous sommes en 2ème ligue genevoise, soit la sixième division. C’est compliqué de réussir à inculquer cela à des joueurs amateurs. Tout simplement parce qu’on n’a pas le temps.

On dit souvent que la meilleure défense remporte le championnat (dans 70% des cas en 2ème ligue). En toute honnêteté, vous y pensez à la montée ?
Tout le quatuor de tête pense à la montée. Et c’est normal. Nous sommes les quatre dans un mouchoir de poche (ndlr : deux points d’écart). Donc forcément qu’on y pense. Notre objectif de début de saison était de finir au moins dans les trois premiers. Pour l’heure, nous sommes encore en lice pour défendre notre titre de la Coupe genevoise (ndlr : Perly jouera son huitième de finale contre Rapid Jonction Bosna), et nous pouvons jouer le titre en championnat. On recommence fort, avec la réception du FC Kosova, emmené par son duo d’attaquants Rrahmani et Halimi, c’est tout simplement la meilleure attaque du championnat. J’ai hâte de voir comment mon équipe va se comporter. Un choc entre la défense la plus hermétique et l’attaque la plus prolifique donnera certainement lieu à une rencontre passionnante.

Le record du plus petit nombre de buts encaissés est de 14, par Vernier en 2011/2012. Cela serait-il un motif d’orgueil pour toi de faire encore mieux ?
Oui, ce sont des chiffres qui me parlent. Les joueurs doivent comprendre qu’ils peuvent laisser leur empreinte en atteignant ce genre d’objectifs. Vous savez, nous avons une grande marge de progression. Tant sur l’aspect offensif que défensif. En d’autres termes, j’aimerais beaucoup qu’on encaisse encore moins de goals. Ne l’oublions pas, sur les six buts encaissés, deux sont des penaltys. Pourquoi ne pas arriver à 10 buts encaissés ? Pour moi, ce n’est pas impossible. Il faut marquer l’histoire quand on en a l’occasion.

 

La statistique :

Durant ces vingt dernières années, 70% des équipes ayant terminé le championnat avec la meilleure défense sont devenues championnes. Sur cette même période, le record du plus petit nombre de buts encaissés est à mettre à l’actif du FC Vernier, lors de la saison 2011/2012. Rappelons tout de même qu’à l’époque, le Racing Club s’était retiré de la compétition en cours de route. Le championnat s’était donc déroulé sur 20 journées.

Saison Buts encaissés Equipe Classement final
1999/2000 27 FC Association des Portugais 2e
2000/2001 23 Onex Promu
2001/2002 18 FC Geneva Promu
2002/2003 17 UGS Promu
2003/2004 15 Collex-Bossy Promu
2004/2005 21 Perly-Certoux 3e
2005/2006 30 Perly-Certoux Promu
2006/2007 13 Collex-Bossy 2e
2007/2008 16 Plan-les-Ouates Promu
2008/2009 25 Collex-Bossy 3e
2009/2010 20 Servette FC -21 Promu
2010/2011 25 CS Chênois 8e
2011/2012 14 Vernier Promu
2012/2013 20 Plan-les-Ouates Promu
2013/2014 28 Veyrier Sports Promu
2014/2015 18 Champel 2e
2015/2016 22 CS Interstar Promu
2016/2017 23 Veyrier Sports Promu
2017/2018 19 Olympique de Genève Promu
2018/2019 26 CS Italien/Perly Promu (CS Italien)
2019/2020 6 Perly-Certoux ?

 

 

Photos : Stéphane Eursels

 

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